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dans la forme. Nous ne doutons pas qu’on n’y soit partisan très ferme du maintien du Concordat ; mais peut-être ne s’y rend-on pas suffisamment compte des conditions dans lesquelles le pacte de 1802 peut être aujourd’hui maintenu ou prolongé. Il est attaqué de toutes parts, et assez mollement défendu par beaucoup de catholiques, qui commencent à se demander, sans une vue suffisamment claire du lendemain, s’il ne vaudrait pas mieux pour l’Église reprendre sa liberté que de rester exposée à toutes les avanies qu’on lui fait systématiquement subir. Il n’y a pas de question plus grave. Pour la résoudre, il faudrait d’abord s’assurer de ce que serait, en France, dans le temps où nous sommes, la « liberté de l’Église, » après la rupture. La plus décevante manière de la discuter serait de se placer au point de vue purement philosophique, et c’est ce que l’État pourrait être tenté de faire ; ou au point de vue purement religieux, et c’est à quoi l’Église, fatiguée de tant de vexations, pourrait se laisser entraîner. La vérité est qu’il faut se placer au point de vue politique. Est-ce bien là ce qu’on a toujours fait à Rome depuis quelque temps ? Lorsque Pie X a ceint, il y a un an, la tiare apostolique, bien des gens se sont écriés que nous allions avoir enfin un pape qui ne serait que religieux, et ils l’ont fait avec un soupir de soulagement et d’espérance. Les vertus du nouveau pontife et l’éloignement où il avait jusqu’alors vécu de toute politique étaient à leurs yeux des garanties précieuses qu’il s’élèverait au-dessus ou se tiendrait en dehors des affaires proprement dites. Il ne verrait que celles du royaume de Dieu, qui, comme on sait, n’est pas de ce monde. Ces intentions étaient-elles celles de Pie X ? en tout cas, on n’a rien négligé pour les lui suggérer ou pour l’y confirmer. Le règne de Léon XIII avait été très long, l’un des plus longs qu’il y ait eu ; il a été environné d’un grand éclat ; il a laissé après lui une trace lumineuse. Mais les longs règnes, même lorsqu’on leur rend justice, amènent une certaine lassitude et produisent des tentatives de réaction presque inévitables. Dans toute œuvre politique, même la plus habile, la plus intelligente et la plus ferme, il y a d’ailleurs une part de déceptions, soit que les prévisions dans lesquelles elle a été conçue et poursuivie ne se soient pas pleinement réalisées, soit qu’on ne veuille plus leur laisser le temps de le faire. Le nouveau pape a donc reçu le conseil de ne pas s’occuper de politique, mais seulement de religion : il l’a suivi. En toutes choses, il n’a vu que l’intérêt religieux, et c’est le seul qu’il ait songé à servir. Qu’en est-il résulté ? Ceux-là mêmes qui l’avaient le plus encouragé à entrer dans cette voie ont poussé des clameurs dès les premiers pas