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tance. Il est possible que le Concordat n’ait pas été respecté dans son esprit, mais il n’a pas été violé dans son texte, car il ne contient rien de relatif à la destitution des évêques. Le cas n’a pas été prévu, et s’il ne s’est pas produit depuis un siècle, cela prouve que, jusqu’à ces derniers temps, les évêques ont été choisis et nommés avec discernement. Il n’y a pas de précédent. Aucune règle écrite ne trace la conduite à suivre, et le Pape, s’il voulait équivoquer, pourrait dire que, n’étant obligé à rien par le Concordat, il a cru pouvoir agir suivant les seules règles canoniques. Mais allons au fait : que veut notre gouvernement ? Faire observer le Concordat ? N’en croyez rien : il serait enchanté, au contraire, qu’on ne l’eût pas respecté, parce qu’il se propose de le dénoncer, et qu’il aurait un grief de plus à invoquer. Si le gouvernement de la République était encore partisan du Concordat, il proposerait au Pape de le compléter sur le point où il présente une lacune, et de se mettre d’accord sur la procédure à suivre pour la destitution d’un évêque. Dans un autre temps, et avec un autre esprit, une entente se serait certainement produite. Est-ce ainsi qu’a procédé M. Combes ? Non ! Maître du paquet de lettres que lui ont livrées les évêques de Laval et de Dijon, et dont nous ne connaissons pas encore le texte complet, — on nous sert ces lettres une à une par l’intermédiaire de journaux amis, comme si on voulait prolonger l’intérêt d’un roman-feuilleton ! — il a envoyé un ultimatum au Pape, en lui enjoignant de désavouer et de retirer en bloc toute cette correspondance ; faute de quoi, ce serait la rupture définitive des rapports diplomatiques, le rappel de ce qui reste de notre ambassade à Rome, la remise de ses passeports au nonce à Paris.

Nous n’insisterons pas sur ce qu’il y a d’offensant et de grossier dans cette alternative, qui place le Pape entre une humiliation pour lui ou un danger pour l’Église. Ces allures de M. Combes seraient peut-être héroïques s’il en usait quelquefois contre les forts ; mais il a soin de n’être arrogant qu’avec les faibles. L’âme de ce brave est ainsi faite ! si le Pape avait un territoire grand comme la main et un bataillon de fantassins ou un escadron de cavalerie, il le traiterait autrement. Il ne parlerait pas sur ce ton au prince de Monaco. Mais, avec le Pape, pourquoi se gêner ? N’est-ce pas une belle occasion, puisque d’ailleurs on n’en saisit point d’autres, de montrer la grandeur de la France, et de lui en faire sentir à elle-même la fierté ? Espérons du moins qu’elle n’est pas tombée assez bas pour l’éprouver ici, car, en vérité, il n’y a pas de quoi. Il serait téméraire de vouloir pressentir ce que décidera le Pape, mais on a fait tout ce qu’on a pu