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C’est en lui que le parti révolutionnaire mettait son espoir, montrant par-là ce que valait le respect promis à la souveraineté de la nation. Certains théoriciens, que la pente des audaces logiques entraînait aux franchises périlleuses ne dissimulaient même pas leur mépris de la volonté générale. Ils ne cherchaient que la force capable d’imposer leurs réformes. D’avance ils la justifiaient et se justifiaient en disant que la vérité est au-dessus du consentement ; qu’une minorité a le droit d’établir les institutions bonnes à tous et de servir un peuple même malgré. lui. À cette doctrine, qui leur permettait de prendre en tout avis d’eux seuls, ils avaient donné une formule : « la République est supérieure au suffrage universel. »

Par cela seul que les révolutionnaires attaquaient l’Empire, leur effort s’était brisé contre l’attachement de la France à ce régime. Résolument hostile à leur entreprise, elle n’avait pas pris au mot leurs condamnations contre l’ordre social. Elle excusait que dispersés par l’armée, condamnés par la magistrature, abandonnés par l’église, les vaincus du 2 décembre eussent le verbe et le cœur amers, elle les croyait meilleurs que leurs paroles. Néanmoins un sentiment confus, mais profond comme un instinct, la laissait défiante de doctrines où abondaient les contradictions. Elle pressentait en ces serviteurs les plus impérieux des maîtres ; elle s’étonnait qu’au nom du peuple ils prétendissent détruire les institutions tenues pour les plus nécessaires par le consentement le plus universel ; et elle refusait partout son aveu à ceux qui prétendaient n’en avoir pas besoin pour la rendre heureuse. Tandis que, sans l’intervention du gouvernement, elle eût volontiers voté pour des conservateurs libéraux, cette intervention était superflue pour liguer les amis du repos et les amis de la liberté contre les révolutionnaires. Ceux-ci n’avaient même pas eu, jusqu’aux dernières années de l’Empire, le concours des Français les plus étrangers aux timidités de la pensée ou des intérêts et les plus prêts aux actions violentes, les ouvriers.


III

A des hommes cultivés et assez riches pour donner leurs loisirs à la politique ou assez habiles pour trouver en elle une carrière, le plus important des problèmes sociaux paraît