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à ces passions, les paysans de la Sologne, solitaires des étangs et des bois, non seulement n’ont pas de prise sur les affaires générales, mais le plus souvent les ignorent. Dans le jardin de la Touraine c’est la libéralité plénière de la nature, l’air apaisé, le ciel doux, la terre féconde d’aspects comme de produits, une beauté faite de richesses et une richesse faite de beautés : là, comme le dit la langue populaire « la plaisance du pays » a poli depuis des siècles le caractère des hommes à la douceur des choses. Le calme des volontés, au lieu d’être une énergie dominatrice de ses épreuves, est une mollesse assise en ses satisfactions et peu disposée à les troubler d’un effort, fût-ce pour les défendre. Entre ces populations et les plus semblables à elles dans le Nord, la différence est comme l’inégalité de la lumière, là-bas plus voilée et plus rare, ici plus active et rayonnante, qui là-bas éclaire seulement, ici colore et à sa clarté môle de la chaleur. Ici les hommes se recherchent davantage pour échanger des impressions et des nouvelles. Mais, tempérés comme leur climat, ils ont à la fois de la curiosité et de l’indifférence, plus soucieux de connaître les événemens que de les dominer : la révolution ne trouve parmi eux ni amis ni opposans.

Elle a un parti plus nombreux et plus actif dans la région voisine qui, du Périgord à la Franche-Comté, décrit par le Limousin, le Berry, le Nivernais, la Bourgogne et le Bourbonnais son grand arc de cercle autour du plateau central. La Franche-Comté, plus proche de l’invasion, est le moins occupée de politique. Dans la Haute-Saône, un seul désir se formule, inspiré par le souci de la défense : Vesoul demande qu’elle ne soit pas interrompue par des changemens de personnes[1]. La province n’a qu’une grande ville, Besançon où l’horlogerie emploie beaucoup d’ouvriers et qui est représentée au Corps législatif par un républicain, Ordinaire. Même là, le patriotisme impose silence à la révolution. Jusqu’au 8 septembre, aucune violence n’est tentée contre le préfet, et il

  1. Le 7 septembre, le maire et les adjoints télégraphient au Gouvernement : « Demain vous recevrez par courrier une pétition couverte de signatures d’habitans de Vesoul demandant le maintien de. M. Larribe comme préfet de la Haute-Saône. » Id., 1316.