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paiera-t-il pas en conséquence les plus gros droits de succession ? Restera-t-il même bien toujours entier ? Ne pourra-t-il pas être volé, débité, revendu par parties, se retransformer en bagues ou en bracelets, et se disperser, de nouveau, en cent ou deux cents autres mains ? Ce serait moins là, toutefois, une genèse qu’un itinéraire, et la véritable genèse de ce collier-là est une genèse naturelle. Le secret en est dans la mer. Mais tout autre est l’histoire du collier de diamans, et si le joaillier hésite, quand on le questionne sur celle-là, c’est qu’elle montre en mouvement tant d’industries, se rattache par tant de côtés à la vie de tous, et pourrait évoquer tant d’aperçus, de tableaux et de visions, qu’il ne sait comment la prendre et par où commencer.

Voici donc, dans le magasin, la parure sous sa vitrine, étalée dans les feux de ses quatre ou cinq cents pierres, qui scintillent en quintuple ou sextuple rangée, et l’inapparente ossature où elles étincellent. Tout inapparente que soit cette armature, et si peu d’importance qu’ait relativement la joaillerie dans un collier de grande valeur, elle exige déjà, cependant, plusieurs sortes de métiers. Le magasin a généralement un atelier, et là, si nous y faisons une visite, nous voyons, assis à de longues tables, où chaque place s’échancre en demi-lune, une vingtaine ou une trentaine d’ouvriers absorbés par un travail minutieux. Tous en blouse blanche, et presque tous avec un binocle, dans la pose de travailleurs à vue fatiguée, ils taillent des morceaux de métal, tordent des laitons, ou disposent des pierreries sur de petites mottes de gomme laque fixées au bout d’une poignée, devant un modèle à l’aquarelle, ou un fragment du modèle. Ils parlent peu, et s’occupent activement, le lorgnon sur le nez, et le nez sur leur ouvrage, chacun d’eux entouré de la tablette en demi-cercle formée par la table échancrée, sur laquelle se trouve, sous la main de l’ouvrier, tout un attirail de petites pinces, de petites scies, de petites cisailles, de poinçons, de compas, de sébiles, de petites lampes, de petits réchauds. Dans un coin de la salle, un laminoir à main, pour les matières que n’assoupliraient pas les pinces. En face, un sécateur mécanique, pour celles que ne couperaient pas les cisailles. Puis, allant et venant d’une place à l’autre, comme un professeur dans un cours de dessin, le chef d’atelier. Celui-là dirige l’ouvrage, donne un conseil à l’un, indique à un second le meilleur procédé pour reproduire le modèle colorié, répare l’erreur d’un troisième,