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ministres anglais le traité de Kalisch, avec ses articles secrets, et il proposait de prendre ces articles pour base d’un traité à conclure entre la Prusse et l’Angleterre. Or, dans le traité de Kalisch, on lisait un article, l’article VI, qui semblait de nature à donner aux Anglais confiance et satisfaction : les alliés s’y engageant « à ne point négocier en particulier avec l’ennemi, à ne signer ni paix ni trêve, ni convention quelconque, que d’un commun accord. » Que la Prusse prît à l’égard de l’Angleterre un engagement identique, la Russie, liée déjà à la Prusse, le serait du même coup à l’Angleterre : ni la Prusse, ni, par suite, la Russie ne pourraient « négocier en particulier avec l’ennemi, » « signer paix ou trêve que d’un commun accord » avec l’Angleterre. L’Angleterre, qui, par ses subsides, tiendra la guerre, tiendra, par ces clauses, les fils de toutes les négociations ; elle siégera dans toutes les conférences et tous les congrès ; on pourra, à la rigueur, commencer sans qu’elle paraisse, rien ne se pourra finir en son absence. Toutes ouvertures faites à Napoléon par l’Autriche, sans l’aveu de l’Angleterre, ne seront donc que des feintes ou des préliminaires qui n’engageront rien définitivement. C’est là un fait d’une importance capitale pour la suite de ces négociations ; c’est le sous-entendu permanent qui modifiera le sens de toutes les propositions de l’Autriche, auxquelles les Anglais n’auront pas expressément souscrit. Si Napoléon ouvre une négociation sur ces prétendues bases, ce sera pour s’entendre déclarer aussitôt que l’Angleterre n’y consent pas, et voir se découvrir des bases plus étendues, qui seront, précisément, celles de l’Angleterre. Ce jeu très habile avait été concerté en 1805, à Potsdam, lors de la médiation prussienne, et si, à cette époque, les alliés n’avaient point poussé la partie, c’est que Napoléon l’avait, à Austerlitz, renversée du côté de la France.

On s’explique que cette clause, avec ses retentissemens infinis, disposât tout de suite les Anglais à écouter Hardenberg. Il y en avait une autre, destinée à séduire le prince régent : c’était la création « d’un royaume, considérable, depuis l’Elbe jusqu’à l’Escaut peut-être, qui renfermerait les anciennes possessions hanovriennes et serait assigné à un prince anglais… » « Un agrandissement de la maison de Hanovre, écrivait le chancelier Hardenberg, qui placerait un État intermédiaire entre la Prusse et la France, et formerait une alliance naturelle entre la Prusse et l’Angleterre, ne serait nullement contraire à nos intérêts ;