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avait pas d’autre que la rupture. On la voulait ; on l’a provoquée ; elle a eu lieu.

Si les Chambres avaient aujourd’hui un sentiment plus éclairé, ou seulement plus jaloux de leurs droits, elles auraient, au début de la session prochaine, des comptes sévères à demander au gouvernement : mais celui-ci est bien tranquille, il sait qu’il peut tout se permettre. Nous marchons à grands pas à la dénonciation du Concordat et à la séparation de l’Église et de l’État. Le gouvernement la prépare et y pousse. Sa politique consiste à la rendre inévitable, afin de pouvoir constater qu’elle l’est devenue, et de laisser entendre que ce n’est pas sa faute, ce en quoi il fait preuve d’une véritable hypocrisie. Il faut se dégager de l’équivoque et voir les choses comme elles sont. M. Combes qui, il y a quelques mois à peine, disait à la Chambre que la réforme n’était pas mûre, et que le pays n’en voulait pas, M. Combes a changé d’avis. En butte aux obsessions continuelles du parti radical-socialiste auquel il a pris l’habitude d’obéir, il lui a obéi une fois de plus. Si c’est son droit de le faire, on nous permettra de dire qu’il a mal choisi le moment d’en user.

Les Chambres sont en vacances et ne peuvent pas faire connaître leur opinion. Le pays est sans voix. De tous les pouvoirs publics, le ministère est le seul qui fonctionne. Lui appartient-il d’engager dans un sens déterminé la solution d’un problème aussi important et même aussi redoutable ? Le gouvernement parlementaire est, dit-on, celui du pays parle pays ; et, s’il n’était pas cela, que serait-il autre chose qu’une mystification et une duperie ? Il faut donc, avant de trancher certaines questions qui touchent aux fondemens mêmes de l’institution politique et sociale, que le pays ait été mis en mesure de faire connaître son sentiment et sa volonté. Que les Chambres s’en inspirent ensuite, ou plutôt qu’elles s’y conforment en ménageant tous les intérêts, et en conciliant tous les droits, c’est leur devoir, certes, et nous serions les premiers à leur conseiller de le remplir. Mais, dans le cas actuel, le pays s’est-il prononcé  ? Lui en a-t-on donné le moyen ? Lui en a-t-on laissé la liberté  ? On s’est bien gardé de le faire. On a commencé par préparer divers projets relatifs à la séparation de l’Église et de l’État, tous mauvais, tous partant du principe jacobin que l’État seul a des droits et que l’Église n’en a aucun : après quoi on a provoqué un conflit avec le Saint-Siège et on l’a poussé résolument à la rupture. Nous comprendrions, nous admettrions qu’on provoquât une agitation politique en vue de soumettre au pays, aux élections prochaines, la question des rapports de l’Église et de l’État. La Chambre future