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C’est encore — et ici la ressemblance entre les deux catégories de villas, en même temps que plus complète, est plus importante — la prodigieuse quantité de bâtimens dont se composent les unes comme les autres. Certes il faut beaucoup de place pour abriter le nombreux personnel qu’un Romain, n’eût-il qu’un train de vie ordinaire, emmène toujours avec lui à la campagne. La division du travail est telle, dans la société antique, l’achat et l’entretien d’un esclave sont si peu de chose, et la mode a tant d’empire sur la vanité humaine, qu’une maison, même bourgeoise, doit, sous peine de déchoir, être abondamment pourvue de serviteurs. Mais enfin, ces esclaves et ces affranchis une fois logés et même bien logés, puisque leurs chambres, nous dit Pline, pourraient au besoin recevoir des hôtes, on demeure frappé et presque confondu de tout ce qu’il reste encore de pièces, d’appartemens, de pavillons entiers pour le propriétaire et sa famille. Pareille accumulation nous avait été montrée dans les villas précédentes. A Laurente ou à Tifernum, elle est plus sensible, parce que nous la saisissons dans le détail ; nous sommes introduits partout. C’est à s’y perdre. Le nombre des chambres à coucher est incroyable. Une seule ne suffit pas au maître pour dormir. Car le maître cherche son bien-être et veut sa commodité. Il lui faut une pièce tantôt grande et tantôt petite, tantôt chaude pour l’automne, par suite exposée au soleil et abritée des vents, tantôt fraîche pour l’été, peu ouverte sur le dehors et précédée d’un vestibule (l’obscurité entretenant la fraîcheur), tantôt calme et disposée de façon que ni la voix, ni le bruit, ni le jour n’y pénètrent, tantôt animée par le murmure d’une fontaine dont l’eau s’écoule doucement. Incroyable aussi est le nombre des salles à manger. Il y en a de toutes les dimensions, pour toutes les circonstances, chacune ne devant servir qu’à un usage particulier, comme chaque esclave ne sert qu’à une fonction définie. Il y a la salle de tous les jours, celle des repas intimes entre amis, celle des grands festins. Bien plus, comme, en ces diverses circonstances, on désire faire jouir ses invités ou jouir soi-même d’une vue différente, on a des salles à manger qui donnent sur les champs et les montagnes de l’horizon ou sur un vignoble des prairies voisines, sur les figuiers et les mûriers d’un jardin potager ou les buis et les romarins d’un jardin d’agrément, d’autres qui s’avancent au-dessus de la mer et dont le soubassement est baigné par la