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canaux et venant aboutir à des bassins de marbre où elles tombent et rejaillissent après être tombées. Ce devait être un des grands charmes de ces villas que d’entendre, dans le silence des appartemens clos, à l’heure où le soleil est de feu au dehors, la discrète sonorité de l’eau qui s’écoule à petit bruit ou son léger tintement dans la vasque, de sentir autour de soi flotter dans l’air, en poussière impalpable, cette fraîcheur humide que donne le voisinage des fontaines. C’était le luxe de Pline. A Lau-rente, sur le bord de la mer, il avait été obligé d’y renoncer, parce que la région manquait de sources naturelles. Mais dans les montagnes de Tifernum, il avait à volonté des eaux, et de superbes eaux jaillissantes. Aussi nous en parle-t-il avec une certaine fierté. Voici, dans une cour plantée, un réservoir de marbre qui déborde et s’épanche doucement pour aller arroser les platanes qui l’entourent. Voici, dans une chambre, une petite fontaine avec son agréable murmure. Sous les fenêtres de cette autre, un large bassin reçoit de l’eau qui, versée d’une assez grande hauteur, fait une écume blanchissante. Ailleurs, nouvelles fontaines et nouveaux jets d’eau. Mais le plus admirable, c’est encore, sous une treille épaisse portée par quatre colonnes en marbre vert, un lit de repos d’où « l’eau s’échappe de tous côtés par de petits tuyaux, comme si la pression même de celui qui s’y couche la forçait de jaillir. » Fantaisie coûteuse certainement, qui prouve à quel point un homme simple, comme Pline, devenait voluptueux dans l’aménagement des eaux de sa demeure. Est-il nécessaire, après cela, de dire qu’il y avait des thermes ? On le suppose aisément, sans que j’aie besoin d’insister. Pline, en vrai Romain, devait attacher une grande importance à cette partie indispensable de l’habitation. Nous retrouvons en effet chez lui toutes les pièces principales, le vestiaire, les salles de bain froid, de bain tiède et de bain chaud, la salle de frictions, l’étuve ; nous retrouvons aussi les annexes où l’on se délassait, le bain une fois pris, et notamment le jeu de paume divisé en plusieurs compartimens pour permettre les exercices les plus variés. Rien ne manquait d’une installation complète.

On voit donc qu’entre les villas bourgeoises et les villas de riches personnages, entre celles de Pline et celles de Vopiscus, de Pollius Félix ou même d’Hadrien, il n’y a aucune différence essentielle. Conditions générales, goûts à satisfaire, nombre, forme et disposition des bâtimens, tout cela se ressemble ; et qui