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les représentations de l’art antique, ne distinguerait donc les géans des autres hommes, si l’usage ne s’était établi, après la période archaïque, de terminer leurs membres inférieurs par des corps de serpens. Un très beau camée du musée de Naples représente Jupiter écrasant sous les roues de son char des géans anguipèdes déjà terrassés par sa foudre.


Des légendes analogues nous ont été transmises par les historiens de tous les peuples de l’antiquité. Des érudits et des savans se sont occupés à recueillir la plupart des mentions qui sont faites des géans dans l’Écriture sainte et par les auteurs profanes. Tantôt ces sortes de colosses forment des peuples, des tribus et des groupes ethniques ; tantôt, et c’est le cas le plus fréquent, ils apparaissent dans ces histoires comme des exceptions individuelles. La liste en serait trop nombreuse pour trouver place ici. Il suffira d’indiquer où on la trouverait. Nous renvoyons pour cela au livre de MM. Launois et Roy sur les géans, dont nous aurons à nous occuper prochainement[1]. Nous renvoyons encore à Buffon qui, dans son histoire naturelle de l’homme, cite quelques renseignemens puisés dans le Mémoire de Lecat lu, de son temps, à l’Académie de Rouen. Il y rappelle que les Grecs attribuaient au corps d’Oreste une longueur de onze pieds et demi, longueur que Pline consentait à réduire à sept coudées, c’est-à-dire à dix pieds et demi. Il mentionne aussi les squelettes de Secondilla et de Pusio conservés dans les jardins de Salluste et qui n’auraient pas mesuré moins de dix pieds. De notre temps, le professeur G. Taruffi, de Bologne, dans son ouvrage sur le gigantisme, — qu’il appelle macrosomie, — et qui a paru en 1878 à Milan, a rassemblé une infinité de documens qui montrent, à travers l’histoire, cette croyance générale de tous les peuples à l’existence d’ancêtres d’une stature gigantesque dont les générations présentes ne seraient que des rejetons amoindris et dégénérés. Dans cette manière de voir, les géans qui, de loin en loin, se montrent isolément, ne seraient autre chose qu’une répétition accidentelle d’un type disparu, des représentans attardés d’une race éteinte.

Ce préjugé si universel et si bien enraciné s’appuie sur des témoignages si nombreux et si catégoriques qu’ils sont bien faits

  1. P. -E. Launois et P. Roy, Études biologiques sur les géans, Masson, 1904.