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incontestablement dans la Bible qu’il faut la chercher. C’est là, qu’elles ont reçu leur première expression. Les Livres hébraïques font allusion, en plusieurs endroits, à des peuples de géans. Telle, par exemple, la population que les envoyés de Moïse trouvèrent dans la Terre promise. Le commentaire du prophète Amos comparait ces occupans à des chênes pour la force et à des cèdres pour la taille. Et, soit dit en passant, ces images rappellent invinciblement à l’esprit les termes presque pareils dont s’est servi le chantre des Poèmes barbares lorsqu’il décrit les hordes des hommes primitifs sortant des sombres bois et des déserts sans fin,


Plus massifs que le cèdre et plus hauts que le pin.


Ailleurs, dans le Livre des Rois, c’est l’aventure du géant Goliath à qui l’historien sacré attribue une taille de neuf pieds quatre pouces, équivalant à 3m, 50 ; en un autre endroit encore, dans le Deutéronome, il est parlé du lit de fer sur lequel reposait Og, roi de Basan, et qui aurait eu une longueur de neuf coudées.

Tous les Juifs cependant n’avaient pas une foi aveugle dans la précision de ces mesures, et beaucoup se demandaient comment ces races gigantesques et si puissamment constituées avaient pu disparaître. Le prince des docteurs, Esdras, qui commenta les livres canoniques à la fin de la captivité de Babylone et les purgea des erreurs qui s’y étaient glissées, invoque précisément l’abâtardissement progressif de la race. Les générations qui se succèdent se réduisent de plus en plus ; et ainsi, les statures colossales des premiers hommes auraient fait place à des formes toujours plus grêles. C’est cette opinion d’Esdras que l’on retrouve chez tous les peuples et dans toutes les histoires postérieures. Les Grecs ont exprimé le même sentiment d’une décadence physique par rapport à des temps héroïques. Homère et Hésiode se lamentent à propos de cette déchéance. Hérodote, Pausanias et Philostrate en parlent avec la même tristesse, et enfin Plutarque va jusqu’à assimiler les hommes de son temps à des nouveau-nés en comparaison des anciens. Chez les Romains on retrouve les mêmes idées. On se rappelle les vers de Virgile : « Lorsque le laboureur, avec le soc de sa charrue, met au jour les ossemens et les armes de ses ancêtres, il est frappé d’étonnement et il admire leur taille gigantesque. »


Grandiaque effossis mirabitur ossa sepulcris.