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avec plus d’abondance et se développe davantage. De plus en plus, on dirait que des harmonies sixtines remplissent et font chrétienne, catholique même et presque romaine, la chapelle du Montsalvat. Un thème très court, mais très caractéristique, composé d’une suite de sixtes ascendantes, n’est autre chose que la formule d’un Amen en usage dans la liturgie de l’église de Dresde. Mais certains musicologues allemands ont cru pouvoir l’attribuer à un maître de chapelle italien, et des successions harmoniques semblables à celles qui le constituent se rencontrent constamment dans les messes de Palestrina.

Ainsi, répétons-le, la plus belle scène d’église que le génie moderne ait conçue et réalisée au théâtre, se partage entre les deux formes par excellence de la musique d’église : celles-là justement que le chef de l’Église, il y a peu de mois, a jugé convenable et nécessaire de remettre en honneur. Une œuvre telle que Parsifal est peut-être, bien que théâtrale, assez pure, assez sainte, assez chrétienne, pour témoigner indirectement de cette convenance et de cette nécessité. Relue à l’occasion et sous l’impression des préceptes du Saint-Père, il semble que, par une sorte d’harmonie préétablie, elle s’accorde avec eux, qu’elle les éclaire et les confirme, et que, leur soumettant d’avance, et comme d’instinct, la musique religieuse, même dramatique, elle montre assez tout ce que la musique liturgique gagnerait à leur obéir à son tour.

Il est un point particulier des instructions pontificales que peut élucider l’exemple de Parsifal, ou plutôt une objection qu’on leur a faite, et qu’il résout. Après avoir ordonné le retour au chant grégorien et à la polyphonie classique, le Motu proprio se garde sagement d’interdire la musique moderne dans l’église. Il l’y subordonne seulement à plusieurs conditions, dont la première — qui n’est pas la moins libérale — consiste dans une certaine analogie ou communauté de sentiment et de style avec le plain-chant et le chant palestinien. D’aucuns ont cru pouvoir conclure de cette restriction et de cette direction indiquée, au péril inévitable de l’imitation et du pastiche, à l’asservissement et par conséquent à la paralysie et à la mort de l’art religieux. Que l’exemple de Parsifal suffise à dissiper de trop promptes alarmes ! Le régime établi par le Motu proprio n’a rien de si funeste ou seulement de si rigoureux, puisque le plus grand des musiciens modernes a pu le supporter sans dommage et sans apparence même de contrainte. Créé sous l’influence du génie grégorien et du génie palestrinien, Parsifal n’en demeure pas moins l’œuvre d’un génie