Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 23.djvu/242

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

eux-mêmes. Ils rendraient un réel service au genre humain s’ils parvenaient à mettre ici tout le monde d’accord. Pour le moment on en est loin, et nous ne savons pas comment se terminera la controverse diplomatique qui se poursuit à ce sujet entre l’Angleterre et la Russie.

Il y a quelques jours, les délégués du commerce de Londres ont demandé à être entendus par M. Balfour : ils désiraient lui faire part de leurs inquiétudes et de leurs doléances sur ce sujet aussi bien que sur quelques autres. M. Balfour s’est empressé de leur donner audience, et, dans la conversation qu’il a eue avec eux, il a dissipé quelques malentendus. lia reconnu, par exemple, l’esprit conciliant et modéré du gouvernement russe dans l’affaire du droit de visite, et, comme on lui demandait si. le commerce anglais étant celui qui avait le plus souffert de l’exercice de ce droit, il n’y avait pas eu de la part des Russes une mauvaise volonté particulière contre les alliés du Japon, il a répondu très loyalement que rien dans les faits connus ne permettait d’émettre un pareil soupçon. La vérité, nous l’avons dit, est que, si le commerce anglais a été le plus éprouvé, c’est parce qu’il est le plus développé, le plus répandu et le plus abondant.

Sur tous ces points, M. Balfour a pu répondre de la manière la plus satisfaisante : il n’en a plus été tout à fait de même lorsqu’il s’est agi de définir la contrebande de guerre. Il s’est reconnu lui-même dans l’impossibilité de donner une définition, qui comprendrait tout ce qu’elle devait comprendre et exclurait tout ce qu’elle devait exclure. Où commence et où finit la contrebande de guerre ? Il y a des objets qui, de leur nature même, sont purement militaires et ne peuvent servir qu’à la guerre. Ceux-là, à coup sûr, sont de la contrebande de guerre, et un belligérant a le droit indéniable de les saisir lorsqu’il les trouve sur un navire neutre. Des canons, des fusils, des matières explosibles entrent naturellement dans cette catégorie. Mais d’autres objets sont d’une nature mixte en quelque sorte : ils peuvent également servir à la guerre et à la paix, et, dès lors, ils sont ou ne sont pas contrebande de guerre suivant leur destination : par exemple, les denrées alimentaires ou les matières qui, comme le coton ou la laine, servent à faire des vêtemens. M. Balfour admet fort bien qu’elles soient de la contrebande de guerre lorsqu’elles sont destinées au ravitaillement ou à l’entretien d’armées en campagne ; mais encore faut-il en faire la preuve, et ce n’est pas toujours facile. Peut-être même est-ce quelquefois impossible. Aussi est-on tenté de déclarer sommairement que, pendant la guerre, tous ces objets sont de la contrebande, et M. Balfour a dit que, d’après certaines de ses déclarations, ce sentiment