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révisionnistes se font jour en Belgique et en Autriche. Dans quelques-unes des vingt-deux petites républiques autonomes qui constituent les cantons suisses, le révisionnisme a conduit à la même expérience qu’en France, avec des Millerand et des Jaurès en miniature ; et les résultats en sont très discutés, très contestés entre socialistes. A Genève, à Saint-Gall, à Berne, la participation au pouvoir cantonal calme l’ardeur des militans, met leurs capacités au service des finances bourgeoises, ou les rend complices de la répression dans les grèves. L’influence délétère du révisionnisme se fait sentir jusqu’à Tokio, où, au dire du citoyen Katayama, les professeurs, les universitaires sont des étatistes, qui cherchent à endormir le prolétariat et à sauver la bourgeoisie capitaliste par une politique réformiste.

Enfin c’est en France, avec M. Jaurès, que le révisionnisme a trouvé sa plus éclatante expression. M. Jaurès, qui fut le conseil, l’appui de M. Millerand, tant que dura le ministère Waldeck-Rousseau, et son plus ardent défenseur, M. Jaurès a repris en l’aggravant la politique ministérielle, il a fait de son parti à la Chambre le ciment du bloc radical, il a couvert de son approbation et de ses votes tous les actes du ministère Combes. La motion Kautsky, édictée par le Congrès international de 1900, trop élastique, trop « Kaoutchousky, » selon le mot d’un plaisant, était donc restée lettre morte ; il s’agissait de la reprendre et de la renforcer. Il suffisait pour cela d’internationaliser la motion de Dresde, en la faisant ratifier par le Congrès d’Amsterdam. Telle est la proposition que présentait au Congrès le parti de M. Vaillant et de M. Guesde, lequel joue en France le rôle d’une sorte de nonce apostolique de M. Bebel et de M. Kautsky.

La question fut d’abord discutée au sein d’une commission nommée à cet effet, car les socialistes sont dressés, depuis nombre d’années, aux jeux parlementaires, et deviennent en vérité des virtuoses. Ce fut comme une répétition à huis clos de la grande scène attendue par le Congrès avec une impatience fébrile, répétition plus intéressante et plus passionnée que la pièce même. Dans une salle assez étroite où se pressaient les délégués qui avaient vidé le Congrès, M. Jaurès, le représentant le plus autorisé de la nouvelle méthode, était assis, assisté de quelques fidèles. Il avait en face de lui Minos et Rhadamanthe : M. Kautsky ; Mlle Rosa Luxembourg, révolutionnaire exaltée, qui