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peuple juif, James Darmsteter exalte le rôle révolutionnaire et civilisateur du Peuple élu : il attribue à l’influence juive la Réforme et la Révolution française. La Révolution nous ramène directement, selon lui, aux prophètes d’Israël, ces grands apôtres du socialisme. Mais le judaïsme est une religion aristocratique, impliquant le privilège, l’hégémonie d’une race. Dans le judaïsme, le cosmopolitisme extérieur s’associe au nationalisme spirituel le plus exclusif et le plus fermé. Le socialisme international participe beaucoup plus de l’essence du christianisme, qui se produisit lorsque Rome eut rapproché et égalisé sous son joug toutes les nations.

La vapeur, l’électricité, la presse resserrent aujourd’hui les liens entre les esprits et les peuples ; les socialistes qui se comparent parfois aux premiers chrétiens, en diffèrent, autant que le monde industrialisé diffère du monde romain. Les premiers chrétiens avaient l’horreur d’un siècle corrompu. Nous ne retrouverions guère ce sentiment que chez les mystiques russes, qui offraient un si marqué contraste avec le reste du Congrès, si nous avions pu oublier les bombes et la dynamite, et ne voir en eux que des disciples de Tolstoï. Quant aux autres socialistes, ils nous faisaient plutôt songer à cette période où le christianisme, étant sorti des catacombes et gagnant les couches supérieures de la société, Constantin finit par l’incorporer à l’Empire. Il fut dès lors permis à ses adeptes, après avoir achevé de ruiner le monde antique, de devenir préfets ou ministres, sans qu’aucun Bebel songeât à y mettre son veto.


J. BOURDEAU.