Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 23.djvu/316

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

diplomate et le roi rêveront de protestantiser la Chine ; ils feront de Berlin une sorte de cénacle de l’alliance évangélique universelle, sur lequel planera l’Esprit ; ils prépareront une mobilisation de la pensée protestante universelle contre l’Immaculée Conception : ainsi s’épanouiront en beaux gestes, s’étaleront en pompes somptueuses, les rêves de jeunesse de Bunsen. Ni ces gestes ne seront efficaces, ni ces pompes ne seront éloquentes, et la grande pensée de Bunsen, qui devait renouveler l’aspect religieux de la Prusse et du monde, n’est plus aujourd’hui qu’une curiosité archéologique.

Mais quel qu’en ait été l’insuccès, un fait subsiste, qu’il importe de retenir pour marquer l’état d’esprit de la puissance prussienne sous le règne de Frédéric-Guillaume III, au lendemain du pacte fait avec Rome : tandis que le Saint-Siège avait confiance dans le roi de. Prusse, — une confiance dont témoignent certaines lettres de Niebuhr, — le roi de Prusse entretenait auprès du Saint-Siège un diplomate qui dépensait toute son énergie à vouloir consommer l’œuvre de Luther, non seulement en Allemagne, mais dans le reste du monde chrétien.


III

Ainsi qu’il advient souvent dans l’histoire du christianisme, il y avait coïncidence, — une coïncidence qui ressemblait à un châtiment, — entre les menaces que subissait l’Église d’Allemagne et la défaillance apeurée de certains de ses pasteurs, et, quels que fussent les périls auxquels l’exposait l’Etat, il en était d’autres, plus graves, qu’elle recelait en elle-même. Elle avait une mollesse, un laisser-aller, une docilité, qui la rendaient, en quelque mesure, complice des impérieux agissemens du pouvoir civil. Lorsque les gouvernemens unis de Bade, de Wurtemberg et des deux Hesses, forgèrent 39 articles contre les libertés ecclésiastiques. il n’y eut, sur les cinq évêques visés, qu’un seul pour protester, celui de Fulda. L’archevêque de Fribourg, les évêques de Rottenburg et de Limburg préférèrent à la gêne d’agir le reproche d’être des chiens muets ; quant à celui de Mayence, il inspirant ou peu s’en faut, la politique religieuse des gouvernemens alliés et répondait au bref Pervenerat, condamnation des 39 articles, en essayant d’endormir le Pape et en lui représentant le diocèse de Mayence comme une oasis de prospérité religieuse,