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bénédiction de plus ou de moins ? N’y a-t-il pas là de quoi faire tressaillir la cendre de Voltaire au fond de son Panthéon, puisque l’Église romaine, toute criblée de ses traits, s’impose encore à l’humanité régénérée, avec son cortège de superstitions, son armée de fanatiques, avec les insatiables prétentions de sa hiérarchie, avec les foudres du Vatican ? puisqu’elle est encore là, toujours là, avec assez de vie pour, d’un bout de l’Europe à l’autre, remuer le cœur des peuples et gêner la volonté des rois ?


Il avait en effet suffi d’une chicane sur la présence « active » ou « passive » d’un surplis dans les pompes matrimoniales, pour que le monde se mît en branle. Attentive, l’élite intellectuelle de l’Allemagne regardait. D’aucuns, parmi cette élite, après avoir observé longuement du dehors l’Eglise qui venait de se révéler à eux, finirent par y entrer. Le comte François de Stolberg-Wernigerode étudiait alors à Berlin ; le fracas de Cologne lui donna l’idée d’étudier la foi romaine, et bientôt de l’adopter. L’historien Gfroerer écrivait dans la préface de son Histoire du christianisme primitif :


Sans doute, le ver du temps n’a pas épargné la chaire de Pierre ; mais comme elle est restée encore robuste ! N’a-t-on pas vu, récemment, l’Église romaine se lever comme un seul homme pour se défendre, dans l’affaire de Cologne, contre les intrusions de la puissance civile ! L’ingéniosité, le ton de commandement des fonctionnaires protestans, étaient impuissans contre une pareille institution.


Et c’est sous l’impression vivace de cette levée des consciences romaines, que Gfroerer, treize ans après, devenait lui-même catholique. Rintel, israélite passé à la Réforme, se faisait d’office, en des brochures chaleureuses, l’avocat de l’archevêque ; avec le temps, il se sentit et se déclara catholique. Le protestant Guillaume Volk entreprenait de réfuter un écrit où le surintendant Bretschneider attaquait Droste ; il devait peu après se faire catholique et prodiguer dans Erfurt, l’une des villes de Luther, son zèle de néophyte. François Chassot de Florencourt, protestant d’origine, commençait sa carrière de publiciste par un écrit en faveur de Droste-Vischering ; elle allait se continuer au service direct de l’Eglise romaine. On murmurait avec quelque stupeur, dans les sphères officielles de Berlin, l’étrange histoire de la baronne Kimsky, messagère de confiance du ministre Hardenberg : expédiée à Rome pour s’y occuper de la question des mariages mixtes, et pour y travailler en faveur de la solution prussienne, elle se faisait catéchiser par Grégoire XVI, et