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nombre, on aimerait à savoir comment ils s’appellent ; on a même, de ce renseignement, un besoin de plus en plus impérieux.

Beaucoup de philosophes, de pédagogues et d’autres personnages, y compris de nombreux législateurs, s’étonneront qu’une pareille question leur soit soumise. Mais, lorsqu’elle est posée par un sociologue instruit, d’ailleurs athée, au courant des méthodes d’éducation et d’organisation, et en contact profond avec le peuple, c’est sans doute qu’elle n’est pas ridicule, oiseuse ou naïve. « Sans Dieu, nous n’avons pas encore su concevoir de morale efficace… » Quand un athée souscrit une telle déclaration, non seulement devant des catholiques, mais aussi et surtout devant d’autres athées et des incrédules divers, qui s’imaginent avoir constitué de toutes pièces une morale nouvelle, solide, définitive, c’est que des motifs sérieux le déterminent. Et si l’homme qui parle ainsi apparaît comme un vivant exemple de loyauté, d’indépendance, de sens pratique et de dévouement, son témoignage vaut la peine d’être examiné.

On se tromperait en supposant que la déception provoquée par les récentes difficultés intérieures de l’Université populaire est pour quelque chose dans l’aveu que nous venons de rappeler encore. Il date du mois de juillet 1903, lorsque l’Université fonctionnait suivant la direction et sous l’influence primitives. Et puis d’ailleurs, bien plus tôt, avant la fondation de l’œuvre, nous avions entendu M. Deherme, dès le début de son apostolat, annoncer que la morale est à créer tout entière.

S’il se trompe en le croyant, on doit pouvoir le démontrer et, pour cette opération importante, disposer de quelques bonnes raisons, faciles à fournir, péremptoires et simples, dont l’athée sociologue, intelligent, sincère et courageux, reconnaîtrait bientôt la valeur.

Souhaitons qu’elles lui soient indiquées, car il y aurait un inconvénient redoutable à ce que la certitude sur une affaire si grave ne se manifestât que par le silence. Une explication est d’autant plus urgente que le problème moral, insoupçonné des libres penseurs quand s’ouvrit la période laïcisatrice, n’est devenu que plus impérieux depuis lors, engendrant un nouveau mécompte et une difficulté nouvelle, après chaque solution qui devait remettre les choses en ordre et dissiper toute inquiétude. Ainsi, un édifice dont les fondations s’affaissent, tandis qu’en