Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 23.djvu/424

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

administration à affaiblir l’empire si brillamment restauré par Basile. Il laissait trois filles d’âge plus que mûr. L’une, Eudoxie, avait embrassé la vie religieuse. Les deux autres étaient Théodora et la célèbre Zoé. C’était là tout ce qui restait de la fameuse dynastie dite de Macédoine, d’origine certainement arménienne, qui régnait à Constantinople depuis plus d’un siècle et demi.

Cependant l’immense Empire réclamait un bras viril pour le gouverner. Pour protéger ses infinies frontières contre l’assaut incessant de tant de peuples barbares qui relevaient déjà leur tête, depuis si longtemps courbée sous le lourd talon du Bulgaroctone, il fallait aux armées impériales un basileus qui pût les conduire au combat. Constantin avait décidé qu’une de ses deux héritières se marierait. Zoé fut préférée à sa sœur Théodora qui était d’ailleurs sa cadette. Cette Porphyrogénète, déjà quinquagénaire, était bien la princesse byzantine du XIe siècle dans toute la force du terme. Elle avait passé cette longue vie dans l’existence morne et futile du gynécée impérial, strictement tenue par son oncle et son père à distance de toute politique. Elle avait été fort belle ; même des traces de cette beauté subsistaient encore. Tout son corps était d’une blancheur éclatante. Elle avait une chevelure rousse opulente. Son abord imposant était bien celui d’une fille d’empereur. Son caractère était un mélange de frivolité et d’excessive et étroite dévotion. Mais elle était bonne jusqu’à la faiblesse et le peuple de l’immense capitale, la Ville gardée de Dieu, adorait en elle la fille auguste des basileis. Il l’appelait familièrement « Notre Mère. » Une longue virginité avait aiguisé ses sens. Son désir avait été extrême d’avoir enfin un époux.

Son père moribond l’avait mariée à Romain Argyros, d’une des plus illustres familles de la noblesse byzantine, allié à la famille impériale, et déjà sexagénaire. Théodora, qui intriguait avec tous les mécontens, finit par être enfermée par l’ordre de sa sœur dans le couvent de Petrion sur la Corne d’Or. Zoé veilla en personne à ce qu’on lui coupât les cheveux, c’est-à-dire à ce qu’on la fît nonne. Romain Argyros fut un basileus rempli d’intentions excellentes. Il se fit cruellement battre par l’armée de l’émir d’Alep. Quand il se fut assuré que sa trop mûre épouse ne lui donnerait jamais d’héritiers, il la négligea fort, car il était vieux et malade. Elle, furieuse, songea à se consoler avec quelque jeune amant. Le tentateur se présenta sous la forme d’un personnage