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trône et l’existence du Palais Sacré, avait fini par tomber victime de la violente jalousie et des soupçons incessans de son aînée. Calomniée délibérément, accablée sous d’odieuses accusations, elle avait été, sous le règne de Romain Argyros, enveloppée à deux reprises dans de ténébreuses et odieuses poursuites de conspirations plus ou moins imaginaires, exilée du Palais Sacré, tonsurée, enfermée enfin comme religieuse au couvent de Petrion dans une sorte de demi-captivité dorée. La vieille Porphyrogénète vierge avait d’abord pris assez facilement son parti de cette cruelle disgrâce, d’autant plus que, dans le monastère qui lui servait de résidence, on continuait à lui rendre, par ordre de Romain, des honneurs presque royaux, tout en surveillant chacun de ses mouvemens. Mais tout le long du règne du Michel IV, elle avait fort pâti de la haine que celui-ci portait à sa sœur Zoé. Sa disgrâce en était même devenue bien plus complète. Personne, au Palais ou dans la Ville gardée de Dieu, ne prononçait plus le nom de la vieille princesse qui végétait oubliée au fond de son monastère, si complètement oubliée même que Psellos a pu affirmer, avec quelque exagération, semble-t-il, que lorsque Michel V prit à son tour le pouvoir, cet inculte parvenu ignorait jusqu’à l’existence de cette sœur de sa mère adoptive. En tout cas, Théodora était demeurée depuis tant de temps si peu gênante que personne ne s’en préoccupait plus Elle était en outre déjà fort âgée.

Or cette princesse si totalement effacée n’en était pas moins, exactement au même titre que sa sœur, l’héritière légitime directe du glorieux sang des basileis de la glorieuse maison de Macédoine, la fille, elle aussi, de Constantin VIII, la nièce pareillement du grand Basile. Par cela même, toute vieille et chétive qu’elle pût paraître au fond de sa cellule du Petrion, elle représentait une force immense, le principe de la légitimité, à cette époque encore tout-puissant à Byzance. Depuis la mort déjà lointaine de Constantin VIII, un parti s’était plus ou moins secrètement formé autour d’elle, qui avait toujours persisté depuis, constitué par ses fidèles et les anciens familiers de son père et de son oncle le grand Basile. Les déplorables gouvernemens qui avaient régné à Byzance, l’horreur des parvenus de Paphlagonie avaient très fort augmenté ce parti. On conçoit aisément comment la bureaucratie constantinopolitaine, fidèle aux traditions du grand Basile, la noblesse de naissance aussi, et même