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dans la lutte extérieure. Et ces propriétés acquises ne résultent pas seulement, comme certains darwinistes l’ont soutenu, d’une lutte intérieure entre les cellules ; elles résultent surtout d’un accord entre elles, et d’une coopération finale. L’opposition n’est donc qu’un premier degré et un moyen de l’harmonie interne qui, à son tour, devient un moyen de supériorité externe. La survivance du plus apte n’est pas nécessairement celle du plus fort, elle est la survivance du mieux adapté à telles conditions particulières ; celui-ci peut être le plus résistant dans tel milieu, il peut être aussi simplement le plus favorisé par le hasard. Vous jetez des graines, dont quelques-unes tombent sur la pierre, d’autres dans la terre végétale ; celles-ci ne sont pas plus « fortes, » ni même plus résistantes que les autres ; peut-être le sont-elles moins ; mais elles ont eu plus de chance. Les darwinistes croient avoir tout expliqué, quand ils ont dit : « adaptation au milieu. » Mais nous autres hommes nous faisons partie du milieu, nous ne faisons qu’un tout avec ce milieu, nous servons à constituer ce milieu. Si donc il nous modifie, nous le modifions. Il sera en partie dans l’avenir ce que nous l’aurons fait. S’il s’agit du milieu social, la chose est encore bien plus visible : il sera ce que vous, moi, les autres l’auront fait. L’adaptation au milieu n’est pas tout ; elle a au-dessus d’elle l’adaptation du milieu à soi. L’une est passive : me rebus subjungere conor ; l’autre est active : mihi res.

Abandonnée à elle-même, la loi darwinienne d’adaptation au milieu, déjà mise en lumière par Lamarck, n’a rien d’infaillible et ne produit pas toujours des effets bienfaisans. Aussi, quoique les darwinistes veuillent s’en remettre complètement à cette loi, la vérité est qu’elle a besoin d’être soumise à la loi supérieure de l’intelligence. En effet, elle entraîne souvent ce qu’on pourrait appeler la supériorité extrinsèque de certaines infériorités intrinsèques. Nous allons en montrer les causes.

Parmi les grandes lois, toujours en action, de la biologie, il s’en trouve une que les darwinistes, préoccupés de la loi du « milieu, » négligent trop de considérer : c’est celle des variations corrélatives. On entend par là ce déterminisme qui relie ensemble tous les changemens accomplis dans les divers organes, et qui établit entre eux un équilibre final. Cette loi générale a elle-même pour première conséquence la loi plus particulière de compensation, qui fait qu’un organe plus développé entraîne