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dans ces parages, certains vestiges du temps lointain où les Russes s’y sont installés. Les riverains de la Mer-Blanche jouissent d’un véritable privilège douanier, à l’égard de leurs voisins de Norvège. Une flottille de bateaux, appartenant aux paysans qui peuplent les villages de la côte, et qu’on appelle les « Pomors, » fait voile chaque année pour les petits ports du nord de la Norvège, emportant, comme chargement, de la farine et d’autres produits qui sont admis en franchise. Ils reçoivent en échange du poisson qu’ils débarquent, dans les mêmes conditions, en automne, à Arkhangelsk. Cet exemple de libre-échange, dans un pays où ce régime est peu en faveur, nous a paru digne d’être noté, bien que la flottille en question ne présente que peu d’importance, sous le rapport du tonnage.

La Mer Caspienne tient, dans la vie économique de la Russie, une place beaucoup plus importante que la Mer-Blanche. Elle possède une flotte de 800 navires, d’un tonnage total d’environ 230 000 tonnes, dont 263 vapeurs, jaugeant ensemble 120 312 tonnes. Quelques-unes des Compagnies de navigation qui y font flotter leur pavillon comptent parmi les plus considérables de Russie. Astrakhan se place, par son tonnage, à la tête de tous les ports russes, dépassant Odessa de près de 3 millions de tonnes, et c’est même un fait caractéristique que le port le plus important de Russie soit situé sur une mer fermée, à l’embouchure d’un grand fleuve, auquel il est en majeure partie redevable de son fort tonnage. Cela prouve quel rôle capital joue la navigation fluviale dans ce pays, traversé par d’aussi immenses artères que le Volga, le Dniepr, ou le Don.

Encore n’est-ce pas la seule ni même la principale cause du développement pris par la navigation dans la Caspienne. La cause essentielle est ici l’industrie du naphte, qui a fait de si rapides progrès dans la région du Caucase. En 1878, la maison Nobel construisit le premier bateau-citerne à vapeur, qui fit réaliser une économie de neuf dixièmes dans le prix de transport du pétrole de Bakou à Astrakhan. Depuis lors, la surface de la Caspienne est constamment sillonnée de navires à voiles et à vapeur, dont les flancs sont remplis d’un chargement liquide libre. Le Volga se couvrit à son tour d’une flotte de bateaux en bois et en fer, pour le transport du naphte d’Astrakhan aux embarcadères de Tsaritsine et de Nijni-Novgorod. Il y eut sur ce fleuve jusqu’à 1676 navires destinés à ce service. On peut juger par-là de l’élan