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à la marine marchande ne devrait pas laisser nos constructeurs indifférens et devrait les déterminer à faire ce qui dépend d’eux pour changer les habitudes des armateurs russes.

Reste à expliquer pourquoi ceux-ci ne s’adressent pas tout bonnement à l’industrie de leur pays. Car il y a des chantiers russes : les principaux sont l’Usine franco-russe, la Société Newsky, toutes deux à Saint-Pétersbourg ; l’usine Baltique, située dans la même ville et appartenant à l’État ; les chantiers de Sébastopol, fondés par la Compagnie russe de Navigation et de commerce et cédés par elle à l’État ; l’usine Krighton, à Abo ; les chantiers de Wiborg et d’Helsingfors, en Finlande ; ceux de Nicolaief, sur la Mer-Noire. Quelques établissemens de second ordre sont échelonnés le long du Volga et construisent des bateaux d’un faible tirant d’eau. Mais, jusqu’à présent, les chantiers russes n’ont guère construit de navires que pour la marine de guerre. La Compagnie russe, qui a construit elle-même quatorze de ses navires sur ses chantiers de Sébastopol, doit être considérée comme une exception : encore a-t-elle fini par vendre ses chantiers au gouvernement.

Les deux principales raisons, pour lesquelles les constructions navales se sont si peu développées en Russie, sont le prix élevé des métaux et le défaut de spécialistes en la matière. Chaque fois qu’une Compagnie de navigation russe s’est montrée disposée à donner la commande d’un navire à un chantier national, elle a dû y renoncer, en raison de l’élévation du prix de revient. Lorsque la Flotte volontaire décida la construction de l’Ariel, elle s’adressa à l’usine Baltique et au chantier de la Compagnie russe. Le premier de ces établissemens refusa de se rendre à son appel ; le second accepta la commande de la coque, sans la machine, pour 2 700 000 francs, et pourvu qu’on lui accordât deux ans. Mis au courant de ces conditions, Alexandre III voulut bien reconnaître que, malgré tout le désir de donner la commande à l’industrie locale, il n’était pas possible d’en passer par ces conditions, et l’Ariel fut adjugé à un chantier anglais. Les chantiers russes sont donc en nombre insuffisant pour pourvoir aux besoins de la marine de guerre et de la marine de commerce, et, en outre, ils construisent à des conditions trop défavorables pour pouvoir lutter contre l’industrie étrangère.

Après nous être occupés des navires et des chantiers d’où ils