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« milliard des congrégations ; » c’est par le leurre des promesses trompeuses et irréalisables qu’elle recrute sa clientèle et qu’elle excite des appétits qu’elle ne peut rassasier ; c’est au -détriment de la paix sociale que, se réclamant de l’unité morale, elle ameute les citoyens les uns contre les autres et qu’elle attise les haines de classe par la peinture complaisante faite aux masses ouvrières de « ces châtelains superbes qui n’ont eu que la peine de naître pour jouir d’une fortune héréditaire et de ces bourgeois vaniteux qui se targuent de leurs millions. » Ce langage est celui de M. le président du Conseil lui-même, discourant au Banquet du commerce et de l’industrie, en octobre 1902.

Quels gages sont donnés aux intérêts moraux ? Prétend-on les assurer par la propagande antireligieuse, par l’ostracisme, par l’interdit légal, la délation, les perquisitions, les menaces et l’intimidation ? Peut-on être confiant dans les garanties qui leur sont offertes lorsque, aux applaudissemens de la majorité, un ancien ministre de l’Instruction publique félicite à la tribune les maîtres auxquels l’Etat confie le sacerdoce redoutable de l’enseignement de « sortir d’une neutralité qui serait une trahison, » de « descendre dans l’arène électorale, » et lorsque à ces mêmes maîtres on vient confier le soin d’établir sur les habitans de leurs communes des fiches de renseignemens confidentiels ? Le chef responsable du gouvernement se complaît à l’allusion d’un fossé qui, selon lui, couperait la France en deux ; est-ce travailler à le combler que de déclarer la guerre à ceux qui ne se tiennent pas sur le même bord que lui et de promettre que cette guerre « sera poursuivie jusqu’à désarmement complet de l’ennemi ? » Un tel ultimatum est-il digne d’un homme et d’un parti de gouvernement ?

Les intérêts financiers enfin sont-ils sauvegardés ? Alors que la nation supporte avec peine le poids de dépenses sans cesse croissantes, est-ce faire œuvre de prévoyance que de jeter aux pieds de l’État 1 600 000 enfans, à l’entretien desquels il sera forcé de subvenir par un accroissement démesuré du budget de l’Instruction publique, accroissement sur le compte duquel, ainsi que M. Waldeck-Rousseau le constatait, il y a quelques mois, au Sénat, le gouvernement n’a ni pu ni osé donner des renseignemens précis et que des calculs impartiaux ont évalué à un minimum de 50 millions ? N’est-ce pas payer bien cher l’établissement du blocus scolaire, et les suspensions de traitemens de