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mettre en face l’un de l’autre le poète le plus cultivé, le plus artiste, le plus savant, et le poète le plus spontané de cette admirable race italienne, dont le passé est si riche en littérature et dont l’âme est si pleine de poésie naturelle, où les qualités du génie et celles du talent se sont toujours mêlées avec tant de bonheur, où le jaillissement de la création la plus abondante n’a jamais exclu, d’autre part, le « fini » le plus minutieux. Eh bien ! voici que nous trouvons les deux poètes aux prises avec une douleur pareille, — avec la plus cruelle de toutes les douleurs, — la perte de l’enfant. Tous deux cherchent à l’exprimer par leurs moyens d’artistes. Tous deux, guidés par le même sentiment, s’en vont puiser aux mêmes sources. Tous deux trouvent, dans les spectacles les plus habituels de la nature, les mêmes images qui, depuis que les hommes souffrent, leur servent par les mêmes contrastes à représenter leurs souffrances. Et tous deux les développent avec la même simplicité dédaigneuse des ornemens, qui chez l’homme se fait plus sévère, tandis qu’elle devient plus abondante ou plus abandonnée chez la femme, — comme si celle-ci laissait couler les larmes que celui-ci retient[1].

Elle commence :


N’entends-tu pas ?… Le jardin touffu
N’est qu’un chant de passereaux,
N’est qu’un murmure de feuilles
Dans le frais matin…


Et lui :


L’arbre auquel tu tendais
Ta petite main,
Le grenadier vert
Aux belles fleurs vermeilles,
Dans le muet jardin solitaire
Reverdit tout maintenant,
Et juin le restaure
De lumière et de chaleur…


Elle poursuit :


… Ma petite fleur sauvage,
Pourquoi as-tu refusé de vivre ?
C’est vrai, novembre a de tristes jours,
Mais ensuite, mai revient…
  1. Dans Maternità, la pièce intitulée : In memoriam, et dans les Rime nuove, la pièce intitulée : Pianto antico, à la page 595 de la 2e édition des Poésie. (Bologne, Zanichelle, 1902.)