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le navire l’autorité du commandement. Le devoir strict de l’inscrit est de commencer par obéir aux ordres qu’il reçoit, sauf, s’il y a eu abus, à en référer à qui de droit. M. Charles-Roux a rédigé un projet de convention inspiré de ces idées générales. Il l’a fait avec sa connaissance des choses de la mer et la précision habituelle de son esprit, mais avec un large sentiment d’équité et de bienveillance envers les ouvriers. Cette fois encore, on a pu espérer que l’entente allait se faire. La grève ne se serait pas terminée pour cela, puisqu’il fallait aussi se mettre d’accord avec les dockers et les charbonniers ; mais un pas important aurait été fait vers la solution, et, comme il n’y a, dit-on, que le premier qui coûte, peut-être les autres auraient-ils été faits avec un moindre effort. Ces espérances favorables n’ont pas tardé à se dissiper : les inscrits maritimes ont repoussé le projet de M. Charles-Roux. Celui-ci est rentré sous sa tente : nous voulons dire qu’il a quitté Marseille et est parti pour la campagne. Entendait-il renoncer par-là à toute négociation ultérieure ? Non. M. Charles-Roux est un homme de foi et d’action. Il n’abandonne pas si aisément l’œuvre qu’il a entreprise. Mais il voulait donner aux esprits des ouvriers le temps de se calmer et de revenir à une appréciation plus juste des avantages qu’il leur avait offerts. Il n’a pas tardé, en effet, à renouer des pourparlers avec M. Pénissat, directeur de l’inscription maritime. On s’est repris à espérer : mais, nous l’avons dit, il fallait encore s’entendre avec les dockers et les charbonniers. L’accord ne paraissait pas irréalisable : certains symptômes donnaient à croire qu’il y avait chez les ouvriers du port quelque impatience de reprendre le travail, et qu’il suffirait de leur en fournir honorablement les moyens.

Le régime des dockers a été fixé par un contrat qui ne date pas de longtemps : il est de 1903. Conclu l’année dernière, comment expliquer qu’il ait déjà besoin d’être remis sur le métier ? Rien de plus simple : c’est que le contrat de 1903 n’a pas cessé d’être violé par les ouvriers. Il l’a été dans son esprit et dans son texte. On peut naturellement chicaner sur le premier point, mais non sur le second. Nous avons déjà parlé, et à maintes reprises, d’un des pires abus que les ouvriers ont introduits dans leurs habitudes, à savoir les mises à l’index. Inscrits et dockers en ont usé à qui mieux mieux, et c’est même le principal motif qui a amené les Compagnies, après la grève des contremaîtres, à désarmer les navires et à suspendre tout travail. Avec ce système, en effet, toute autorité est impossible, tout commandement est méconnu. Quand les ouvriers, à quelque catégorie qu’ils appartiennent, sont mécontens d’un de leurs chefs, ils le mettent à l’index, et ils se