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joué un rôle prépondérant, au cours du dernier quart de siècle, dans la lutte incessante entre l’Occident et l’Orient, les Blancs et les Jaunes. Il fut plusieurs fois bombardé, détruit et reconstruit. Aujourd’hui, il est de nouveau en ruines. À la place des forts, la colonisation moderne a fait surgir quelque chose de banal et d’incolore, qui n’a ni le pittoresque des vieilles villes chinoises, ni les avantages de nos villes d’Europe. Pour l’instant, la colonie en est encore à la première enfance et consiste dans quelques rangées de maisons.

Le dernier arrêt de mon voyage était à Tien-tsin. Située au croisement du Peï-ho et du Grand Canal, cette ville est une des plus importantes de la Chine. La population dépasse un million et l’on distingue la ville propre, les concessions étrangères, et les différens faubourgs. La vieille ville est un merveilleux spécimen de ville chinoise, surpeuplée, brillante, pleine d’éclat et de fange, où l’humanité s’entasse, se presse, s’agite et vit comme des abeilles dans une ruche. Il y a nombre de monumens intéressans, quoique la principale curiosité ait disparu : les murs de la cité, qui dessinaient un carré de 4 000 pieds de côté, ont été démolis pour faire place aux rues commerçantes. Le quartier européen a un caractère tout différent avec ses larges squares, ses avenues ombragées et ses beaux édifices. Chaque nation a sa petite ville à elle, avec des casernes pour ses soldats, des bureaux pour ses commerçans et des résidences pour ses consuls. Près de la concession française est l’anglaise, qui a les plus beaux édifices, de larges rues bien tenues et qui est gardée par des sikhs. Les vastes habitations, les bâtimens genre bungalow, et les figures enturbannées de gris des sikhs géans rappellent un poste de l’Inde. Les quartiers italien et autrichien sont de l’autre côté du canal et comme perdus dans les faubourgs indigènes.

Depuis l’occupation des troupes alliées, l’importance de Tien-tsin a grandi plus rapidement encore et la ville est en train de devenir une puissante rivale de Shanghaï pour tout ce qui concerne le commerce international ; plus justement, elle est le Shanghaï de la Chine orientale. Si l’on considère le rang secondaire qu’elle occupait au temps de la dynastie des Ming, son développement est d’autant plus remarquable. Située sur les rives du Peï-ho, à 80 milles seulement de Pékin et près de la mer, ses avantages commerciaux comme marché d’exportation