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MIROIR PERSAN


L’étroit miroir qui dort en sa boîte persane,
Toute peinte de fleurs que traça le pinceau,
Imite, sans que rien le tarisse ou le fane,
La forme d’une feuille et la couleur de l’eau.

L’artisan de jadis a taillé dans le jade
Son contour, qui remplit la paume de la main,
Pour ce geste qui fut le tien, Schéhérazade,
Revoyant ton visage au soleil du matin !

Car, chaque nuit, ta longue et merveilleuse histoire
Suspend sur ton col nu le sabre redouté,
Et ta langue te vaut l’incertaine victoire
De sourire, une fois encore, à ta beauté ;

Mais le temps implacable et qui n’a pas d’oreilles,
Plus sourd que le Khalife ingrat et curieux,
N’épargne pas la joue et la bouche vermeilles,
Et la cruelle mort ferme les plus beaux yeux ;

Le miroir qui, peut-être, a miré la Sultane,
Reflète maintenant un visage nouveau,
Et conserve toujours en sa boîte persane
La forme de la feuille et la couleur de l’eau.


FIN DE JOURNÉE


Ma tristesse a devant soi,
Comme au temps de ma jeunesse,
Le ciel au-dessus du toit
Par la vitre où le jour baisse.

Dans la maison pas de bruit ;
Je n’attends rien ni personne ;
Et quelque chose m’a fui…
Je suis seul et c’est l’automne.