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méchantes, tantôt flatteuses et pleines de tendresse, mais toutes ayant pour unique objet de le décider au voyage de Rome. Elle lui disait, par exemple :


Je te prie, mon cher Giulio, de bien réfléchir ; et si tu ne peux pas me déloger pour toujours de Pesaro, fais au moins que je respire pendant quelques mois, et puis je me contenterai de revenir dans ce tombeau et d’y mourir. Tu sais que j’ai toujours fait miennes toutes tes volontés : tu peux donc être tranquille aussi pour l’avenir, et savoir que, du moment où tu me diras : « Revenons à Pesaro ! » je ne te ferai aucune opposition.


Ou bien encore elle termine ainsi une lettre particulièrement aimable : « Viens, viens, viens, viens, viens, viens, viens, viens, viens, viens, tout de suite, tout de suite, tout de suite, tout de suite, tout de suite, et que Dieu te bénisse ! Adieu : Ta CONSTANCE. » Après quoi elle ajoute, immédiatement : « P. -S, — Figure-toi que l’abbé Guidi a découvert à Rome, pour les Felici, deux bonnes chambres bien meublées, éclairées, et un petit salon en commun avec d’autres étrangers : lequel appartement se trouve admirablement situé ; et, tout cela, devine pour quel prix ? pour huit écus par mois ! » De telle sorte que le mari, décidément vaincu, finit par consentir au départ pour Rome.

Costanza Monti a toujours dit elle-même que ce séjour à Rome avait été le désastre de sa vie, l’origine et la cause de tous ses malheurs. Du moins voyons-nous que, arrivée à Rome, elle s’y est tout de suite ennuyée autant et plus qu’à Pesaro, et que bientôt elle a recommencé à persécuter son mari pour quitter Rome, comme elle l’avait fait pour y parvenir. Mais son mari, évidemment, tout en l’aimant toujours, s’était un peu fatigué de ses persécutions. Que s’est-il passé là, au juste, qui les a refroidis ? Une légèreté de Costanza, désormais privée des sages conseils de son cher Antaldi ? Ou bien simplement un surcroît de dureté pour « le pauvre Giulio, » qui s’était vu forcé de lui avouer, à ce même moment, l’existence d’un fils né avant leur mariage ? Sans compter que Monti, chose facile à prévoir, ne faisait point mine de vouloir payer à son gendre la petite dot naguère promise à sa fille. Quoi qu’il en soit, les lettres écrites de Rome par Costanza deviennent de jour en jour plus sombres et d’un accent plus désespéré. Elle s’y plaint de tout et de tous : mais on devine que c’est surtout de son mari qu’elle aimerait à se plaindre. Et nous y apprenons, d’autre part, que Giulio est souffrant, — malade imaginaire, croit-elle : ce qui nous permet d’imaginer de