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tâche civilisatrice n’avait rien en soi qui pût nous déplaire. Notre arrangement avec elle s’inspire de ces sentimens.

Nous avons, — probablement, car ici nous entrons dans la partie réservée de la convention, — nous avons fixé les limites de la région où ces intérêts ont un caractère réel. Et enfin, cet avenir qui était jusqu’ici indéterminé, on assure que nous en avons déterminé l’échéance, en la reportant à un certain nombre d’années. Si tout cela est exact, il faut convenir que l’Espagne n’a pas à se plaindre de nous, puisqu’elle est appelée à recueillir un jour les bénéfices d’une politique dont nous gardons, en attendant, toutes les charges. Dans la période qui s’ouvre, notre influence doit, en effet, rester prépondérante sur le Maghzen, et on comprend ce que cela signifie : cette prépondérance ne peut être efficace que si elle s’exerce seule. L’Angleterre l’a reconnu ; l’Espagne le reconnaît à son tour. Elle adhère en termes formels, et, cette fois, en termes publics, à la Déclaration franco-anglaise du 8 avril dernier, dont l’article 2 est ainsi conçu : « Le gouvernement de Sa Majesté britannique reconnaît qu’il appartient à la France, notamment comme puissance limitrophe du Maroc sur une vaste étendue, de veiller à la tranquillité de ce pays, et de lui prêter son assistance pour toutes les réformes administratives, économiques, financières et militaires dont il a besoin.. » Rien n’est plus clair : la situation privilégiée de la France au Maroc, consacrée d’abord par l’Angleterre, l’est aujourd’hui par l’Espagne. Et il ne peut s’agir ici d’un condominium : nous assumons la totalité de la besogne dans la totalité du territoire. Au reste, ce qui s’est passé à propos du dernier emprunt marocain prouve évidemment que tout le monde l’a entendu ainsi. Cet emprunt n’a pas seulement pour objet de pourvoir aux besoins immédiats du Maroc, mais encore de convertir toute sa dette antérieure, afin de la mettre entièrement entre des mains françaises. Les douanes marocaines devant servir de gage à ce dernier emprunt qui prend la place de tous les autres, nous les avons réorganisées, et, en le faisant, nous avons accompli seuls une tâche, dont tout le monde est d’ailleurs appelé à profiter. Toutes les puissances qui font du commerce avec le Maroc ont effectivement le même intérêt à ce que les douanes soient placées sous le contrôle d’une puissance européenne. Dans cette première application de notre politique marocaine, on voit déjà apparaître le caractère qu’elle ne cessera pas de manifester par la suite. Nous avons l’initiative, la responsabilité, l’action enfin exclusive de toute autre ; mais le bénéfice n’est pas seulement pour nous, il est pour tous.