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calamités publiques, envahira peu à peu, épouvantera les âmes inquiètes et les esprits troublés. C’est elle que, dans leur premier réveil, les artistes, en Europe, s’efforceront vainement de réaliser, en des formes monstrueuses, jusqu’à ce qu’enfin la conception occidentale, celle du premier christianisme, alliance harmonieuse de vérité et de beauté, de la tradition hellénique et de la sensibilité chrétienne, reparaisse enfin, aux XIIe et XIIIe siècles, chez les sculpteurs, en France, chez les peintres, en Italie. Ces efforts glorieux par lesquels les artistes de l’Ile-de-France et ceux de Toscane dégageront, rapidement et définitivement, de la confusion des traditions enchevêtrées, par leur amour de la vérité, un idéal moins confus et moins inaccessible, plus humain et plus consolant, ne seront que la reprise de la première œuvre du christianisme brutalement interrompue.

Il n’était pas possible à un savant français d’oublier quelle part admirable prit alors à la christianisation des arts antiques, un Gallo-Romain, Anicius Pontius Meropius Paulinus, de Bordeaux. Ici même, J.-J. Ampère et M.Gaston Boissier ont fait revivre cette noble et douce figure du patricien et du lettré converti, aussi ferme en sa foi nouvelle que l’était peu encore son maître bien-aimé, le frivole Ausone[1]. C’est en 394 que Paulin, accompagné de sa femme Therasia devenue, en religion, sa chaste sœur spirituelle, vint définitivement s’établir à Nola, dont il avait été gouverneur, dans une cellule d’anachorète, auprès du tombeau de saint Félix. Comme tous ses compatriotes, profondément romanisés, il avait la passion des arts, et surtout de la peinture. Il trouva à Nola quatre petites basiliques construites, une cinquantaine d’années auparavant, dans les premières heures de la liberté religieuse, mais devenues insuffisantes pour la foule croissante des pèlerins. Biche, actif, influent par son passé, ses relations, sa piété, il rétablit d’abord l’ancienne chapelle de Saint-Félix, l’entoura de portiques pour les voyageurs et de logemens pour les cénobites, puis, enfin, ajouta (de 400 à 402) aux quatre églises primitives une grande basilique qu’il nous a longuement décrite.

Cette construction ne différait, semble-t-il, des basiliques romaines, à cinq nefs, avec toiture charpentée, que par l’addition

  1. Voyez dans la Revue : Ausone et Saint Paulin, par J.-J. Ampère (septembre et octobre 1837) ; — Les Saints français : Saint Paulin de Nole, par G. Boissier (juillet 1878).