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les dernières recherches, par assimilation à l’Angleterre, où l’architecture normande s’implanta si vite et si profondément, on s’imaginait volontiers que la même invasion d’idées et de formes avait pu se produire en Italie. C’était oublier que la conquête et l’occupation s’y firent dans des conditions trop différentes. Tandis qu’en Angleterre une noblesse, nombreuse et régulière, rangée autour de son suzerain légitime, reprenant sans cesse contact avec son pays d’origine, pouvait, chez un peuple retardataire, transporter et imposer sans efforts sa langue, ses habitudes, ses idées, ses arts, il n’en était pas de même sur cette terre de vieilles civilisations superposées, où la civilisation contemporaine, la plus active et la plus ardente, la Byzantine, venait justement de réveiller et de ranimer, durant deux siècles, les traditions glorieuses du génie gréco-romain qui ne sont jamais qu’endormies sur le sol italien.

Les analyses minutieuses, faites par M. Bertaux, des monumens de cette période, sur le continent napolitain, et qui sont une des parties les plus instructives de son ouvrage, ne laissent aucun doute sur cette situation. Il va sans dire que tous ces conquérans, prompts aux crimes, prompts au remords, soit par dévotion, soit par politique, entourés d’ecclésiastiques, favorisés par les Papes, se présentent à nous, sans cesse, dans les documens, comme des fondateurs, protecteurs, donateurs d’établissemens pieux, églises, monastères, hôpitaux, dans les provinces qu’ils occupèrent. Mais il y avait longtemps déjà que, dans toutes ces provinces, sous la protection intérieure des Catapans de Byzance et les menaces extérieures des pirateries sarrasines, s’était réveillée, comme dans les villes républicaines du Nord, une étonnante activité municipale. De nombreux artistes, soit byzantins, soit indigènes, s’étaient mis au travail. Si les Normands attirèrent quelques architectes de leur pays, ceux-ci furent rares, sans action suivie. La seule influence profonde qui agit, à leur suite, mais en dehors d’eux, très inégalement et très différemment suivant les pays, sur les transformations des arts régionaux, est celle qui, à ce moment, se répand, par Cluny et par Cîteaux, sur toute l’Europe, l’influence bénédictine et bourguignonne. Influence rapide, fortifiante, décisive, presque partout plus ou moins acceptée, mais qui, néanmoins, tout en modifiant les habitudes traditionnelles et internationales, tout on ajoutant des élémens français aux élémens latins, byzantins,