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prochaines, ce qu’il s’y pouvait ajouter d’apports dus aux génies alors actifs des Arabo-Normands de Sicile, des Français de France ou de Terre sainte, des Allemands de Saxe et du Rhin, ajoutés à ceux du vieux génie hellénique et romain, ressuscité par l’admiration et la volonté du nouvel Auguste. En examinant tour à tour, à leurs dates, les monumens de la région napolitaine, plus soumise que les autres aux influences voisines de Sicile, ceux de l’Apulie et ceux de la Campanie, on pourrait presque, semble-t-il, déterminer avec vraisemblance les états d’esprit successifs par lesquels passa l’autocrate cosmopolite et international, cet esprit vif et ouvert, auquel rien ne semble étranger, en fait de curiosités, de recherches, d’innovations intellectuelles ou matérielles. Les diverses phases de sa carrière militante et agitée, ainsi que ses déplacemens, corroborent très heureusement les témoignages des monumens pour affirmer que ce promoteur clairvoyant de la Renaissance ne fut point un dilettante exclusif et mesquin, archaïsant ou modernisant à outrance, engoué d’un parti pris, esclave d’une coterie ou d’une mode. Ce fut vraiment un amateur libre et intelligent, impartial protecteur des artistes, d’où qu’ils vinssent, comprenant à la fois toutes les nécessités de fait et toutes les tendances d’idées. Par là, déjà, très supérieur à son siècle, il restera un modèle pour les âges suivans.

Allemand par son père Henri VI, Normand par sa mère Constance, Italien par son éducation, né dans un voyage à Jesi près d’Ancone (1194), il fut élevé à Palerme, jusqu’à dix-sept ans, dans le luxe et les fêtes de la cour la plus brillante d’Europe. Les cérémonies, les hôtes, les costumes, les mœurs y ressemblaient si fort à ceux des Sarrasins que les voyageurs arabes, d’Egypte ou d’Espagne, s’y sentaient, avec joie, dans leur milieu. En 1213, il va se faire couronner en Allemagne, il y reste huit ans, en Souabe, en Saxe, en Brabant, puis revient dans sa terre natale. Il ne la quittera plus que deux fois, pour peu de temps et de mauvaise grâce, en 1228 lors de sa croisade, en 1230 lors d’une rébellion en Allemagne. Il y reviendra toujours avec passion, il consacrera tous ses efforts à l’organiser, la fertiliser, l’embellir, jusqu’à sa mort à Castel-Fiorentino.

Il va sans dire que, avant sa majorité et son retour d’Allemagne, l’adolescent impérial, tout cultivé et curieux qu’il fût déjà, parlant l’italien, le français, l’allemand, l’arabe, le grec, le latin, entouré de maîtres, savans, artistes, poètes de toutes