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par des réservoirs d’eau de pluie aménagés sur la terrasse dont on a retrouvé l’ingénieuse canalisation. Dans les huit salles du rez-de-chaussée, des piliers et des lambris de marbre rouge, dans celles du premier étage ; des colonnettes et des revêtemens de marbre blanc cipolin, provenant des ruines romaines. Partout, dans les voûtes, des mosaïques, et, sur le sol, des pavemens en faïence émaillée, réjouissaient, par leur polychromie orientale, la sensualité de Frédéric, de ses courtisans et des femmes du harem qu’il y entretenait, à l’imitation de ses aïeux normands. C’était donc, sans doute, « un édifice capable de résister aux coups à la façon d’une tunique de cour doublée de cette de mailles, » mais surtout une résidence impériale, de luxe et de chasse, sans fossé, sans mâchicoulis, sans rien, dans le décor surtout, d’un aspect militaire. Dans ce décor, mélangé de souvenirs antiques et d’influences françaises, qu’analyse savamment M. Bertaux, apparaissent nettement les caractères de la Renaissance italienne, telle qu’elle va se manifester, quelques années après, à Pise, dans les œuvres de Niccolò Pisano (Chaire du Baptistère, 1260).

Cette question, depuis si longtemps agitée, des origines méridionales, locales, septentrionales, de la sculpture pisane, au XIIIe siècle et, partant, de la sculpture florentine au XIVe siècle, se trouve singulièrement éclairée par les découvertes archéologiques de M. Bertaux, les considérations critiques de M. Venturi et les constatations techniques, toutes récentes, de M. Supino. On sait que depuis Rümohr qui, en 1827, avait signalé, dans un document écrit, le nom de « Petrus de Apulia » donné au père du grand sculpteur, l’accord n’avait pu se faire, entre ses biographes, sur ses origines d’homme et d’artiste. Tout d’abord, les plus éclairés, Rümohr lui-même, sous l’influence des traditions acceptées depuis Vasari, et dans l’ignorance générale des conditions de l’art dans l’Italie méridionale, n’avaient osé penser, pour Niccolò, à une autre éducation que l’éducation toscane. Crowe et Cavalcaselle, les premiers en 1864, avec une liberté et une clairvoyance plus fréquentes dans leur immense enquête, qu’on n’affecte parfois aujourd’hui de le croire, émirent la pensée que « la sculpture pisane avait bien pu subir l’influence d’un art qui avait fleuri dans le midi de l’Italie. » Protestations indignées, cela va sans dire, de la part des érudits florentins. Milanesi avoue ingénument « qu’il croit satisfaire à un devoir en revendiquant pour la Toscane la gloire, possédée pendant six siècles,