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oxhydrile (OH) en liberté. L’acidité a pour signe la présence des cations H ; l’alcalinité a pour signe la présence des anions OH. Mais l’acidité a ses degrés ; il y a des acides forts et des acides faibles ; de même pour l’alcalinité : il y a des bases fortes et des bases faibles. Quels moyens la théorie des ions fournit-elle pour en juger ?

En chimie ordinaire, — comme dans la vie ordinaire, — la force se juge par le résultat de la lutte. Un acide est plus fort qu’un autre lorsqu’il chasse celui-ci de ses sels, ou lorsqu’il neutralise, à concentration égale, une plus grande proportion de base. Le degré d’acidité s’apprécie donc par la quantité de base nécessaire à la neutralisation. On se sert, pour décider du moment où la neutralisation est atteinte, d’un indicateur, d’un corps colorant. La teinture de tournesol est l’un des plus anciennement employés : on sait qu’elle vire du rouge au bleu quand la neutralité est atteinte. Mais, si l’on emploie un autre indicateur, on trouve une autre quantité de base. Avec le même indicateur, on trouvera encore une autre quantité de base, c’est-à-dire une autre valeur de l’acidité si la liqueur acide est mélangée de divers liquides étrangers, quoique de réaction indifférente. L’opération est incertaine.

Dans la chimie des ions, la force de l’acide, c’est-à-dire son degré d’acidité, s’exprime par le nombre d’ions hydrogène qui est présent dans un volume donné. Le degré d’alcalinité dépend de même du nombre d’ions oxhydrile de la solution. Ces définitions ne sont pas arbitraires. On a étudié, en effet, la marche de diverses réactions réalisées par l’intervention, soit de l’acide, soit de la base (inversion du saccharose, par exemple), et on a constaté que la vitesse de ces réactions était en rapport avec les nombres d’ions de l’acide ou de la base. Par conséquent, la mesure du degré d’acidité et celle du degré d’alcalinité se ramènent à la mesure des nombres d’ions hydrogène ou oxhydrile présens dans ces liqueurs, c’est-à-dire à la connaissance de la concentration de ces liqueurs en ions de l’une ou l’autre espèce.

La mesure du degré d’acidité ou d’alcalinité d’une liqueur peut se faire par les moyens de la chimie ordinaire ou par ceux de la chimie physique, de la chimie des ions. C’est une occasion de mettre en concurrence, sur ce terrain restreint, ces deux instrumens de recherche, de voir auquel revient l’avantage. — La chimie ordinaire recourt à la méthode titrimétrique. Elle réalise avec une liqueur titrée la neutralisation dont le terme est signalé par le virage de coloration de l’indicateur. — La chimie des ions détermine par des procédés divers la richesse de la solution en ions hydrogène, qui sont les véritables