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De même que le Mariage de Figaro fut la suite du Barbier de Séville, le Chérubin que vient de représenter, après le théâtre de Monte-Carlo, celui de l’Opéra-Comique, est la continuation du Mariage, — ou plutôt, puisque c’est une « comédie chantée, » — des Noces de Figaro. Quand nous disons : « de même, » on entend assez ce que nous voulons dire et qu’ici, comme partout, il y a la manière. Celle de MM. de Croisset et Henri Cain a paru facile et légère à souhait, peut-être même un peu plus qu’on ne l’eût souhaité. Peut-être aussi conviendrait-il de s’en tenir à cet unique essai. La succession de Mozart est périlleuse. Nous demandons qu’on n’ajoute rien à Don Juan et à la Flûte enchantée.

La comédie que M. Massenet vient de mettre en musique a pour sujet l’avancement du petit page, son avancement à la fois militaire et sentimental. Quatre personnes concourent, de façons différentes autant qu’inégales, à la dernière de ces deux promotions. C’est la Comtesse et c’est la Baronne, insignifiantes, voire anonymes l’une et l’autre ; c’est l’honnête Nina, dont la flamme pure à la fin sera couronnée ; surtout c’est la coquette Ensoleillad, une illustre ballerine, appelée à la cour de Madrid, mais qui daigne en passant accorder à Chérubin, sous un rayon de lune, quelques momens et quelques baisers de l’amour qu’elle a promis et qu’elle porte au roi.

L’enfant avait espéré davantage, et que le songe de sa nuit d’été serait moins court. Dès le matin, l’Ensoleillad se remet en route. Son regard ironique défait ce que la veille avait fait son tendre regard. Elle s’éloigne et, comme elle oublieuses, la Comtesse et la Baronne la suivent. Quelques pleurs alors, de dépit et même de souffrance, mouillent les yeux du jouvenceau. Mais la douce et loyale main de Nina les essuie. Chérubin la porte à ses lèvres. Il prendra Nina pour femme et les premières notes, ironiquement rappelées, de la sérénade de Don Juan, sont témoins de sa promesse et nous assurent de sa foi.

Il semble que la partition de Chérubin soit une de celles où M. Massenet, plutôt que d’aller jusqu’au bout, jusqu’au fond de son talent, s’arrête et se joue à la surface. Le grand artiste, une fois encore, s’est complu dans les détails, les accessoires et les dehors. Il est vrai que pour les rendre agréables, brillans, vivans même, il n’a rien épargné. Oui, même vivans, et la vie dont le premier acte de son œuvre nouvelle est animé, peut bien n’être qu’extérieure, elle est pourtant la vie. Elle circule à travers l’ouverture, aimable jusqu’à la fin, non compris toutefois cette fin, plus que de raison ou sans raison tapageuse. Le reste a le ton spirituel, peut-être un peu moqueur, de l’ancien