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tion. Loin de nous la pensée de dire, — car nous ne voulons ni endormir, ni tromper le pays, — qu’il n’y ait eu, en aucun moment une crainte sérieuse à concevoir, et si nous le disions, la lecture des journaux allemands nous démentirait ; mais le danger ne s’est pas manifesté à une heure précise plutôt qu’à une autre, et c’est surtout à la nervosité de l’opinion qu’il faut attribuer les secousses électriques qu’elle a éprouvées. Cette nervosité, Dieu merci ! commence à se calmer. On s’habitue à tout, et la situation, à mesure qu’elle se prolonge, est envisagée avec plus de calme. L’esprit public est en progrès et, quels que soient les événemens qui se préparent, ils ne produiront plus l’effet de surprise violente d’où est sorti, au premier moment, quelque désarroi. C’est beaucoup que d’être avertis.

La baisse des fonds publics a eu lieu le jour où la nouvelle s’est répandue que M. le ministre Rouvier avait remis une note écrite à M. le prince Radolin. Où était la relation logique entre ces deux faits ? M. Rouvier a eu plusieurs raisons, toutes fort bonnes, de remettre une note à M. le prince Radolin ; mais la meilleure est peut-être qu’il avait lui-même entre les mains une note du gouvernement allemand. Il est conforme aux habitudes diplomatiques de répondre à une communication dans la forme où elle a été faite, et le gouvernement allemand s’est plaint quelquefois que nous y ayons manqué. Le lendemain même de la chute de M. Delcassé, comme si l’événement avait été prévu et escompté, tous les ambassadeurs allemands auprès des puissances ont remis aux ministres des Affaires étrangères des gouvernemens auprès desquels ils sont accrédités une note identique. Le gouvernement allemand y faisait sienne la proposition de conférence dont l’initiative apparente avait été laissée au Sultan du Maroc : il déclarait y adhérer lui-même et en recommandait fortement l’adoption aux autres. Cette communication écrite a été accompagnée d’explications orales, partout les mêmes, présentant notre entreprise marocaine dans des termes qui appelaient de notre part des explications. Il était donc naturel que M. Rouvier rédigeât à son tour une note destinée, au début d’une négociation délicate, à préciser le point de vue français. Que contient ce document ? Ici, nous entrons dans le domaine des hypothèses. La note n’a pas été publiée jusqu’à ce jour, et ne pouvait pas l’être puisque le gouvernement allemand n’y avait pas encore répondu. Ce silence a eu toutefois l’inconvénient de laisser les esprits dans l’obscurité et le mystère, et de permettre à la presse allemande de donner sur une pièce restée secrète des renseignemens dont l’inexactitude, bien qu’elle sautât aux