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Le « Pacifisme, » en un seul mot, ce n’est qu’un barbarisme ; mais, eu deux mots, c’est l’amour de la paix, ou si l’on le veut, et plus franchement, c’est la peur de la guerre. Aux yeux des pacifistes, la guerre, toute espèce de guerre, — à l’exception cependant de la guerre intérieure, guerre de classes, guerre civile, pour les « horreurs » de laquelle ils sont pleins d’une inexplicable indulgence, — n’est qu’une forme de la barbarie, ou comme qui dirait une déplorable survivance du plus lointain passé de notre race, quelque chose d’analogue à l’anthropophagie, par exemple, et, généralement, à tout ce qui se peut concevoir de plus touareg ou de plus néo-calédonien. Telle est du moins leur opinion, et je la crois anthropologiquement fausse ; mais avant d’en montrer la fausseté, je voudrais bien savoir, non pas de quel droit les pacifistes la professent, — puisque sans doute on a toujours le droit de déraisonner, — mais de quel droit ils considèrent tous ceux qui ne la professent pas avec eux, comme de purs imbéciles ou de simples coquins.

Là en effet, et tout d’abord, est le mensonge de leur doctrine. Tandis que nous rendons une entière justice à la générosité, mais surtout à la modernité de leurs intentions, et qu’en somme nous ne leur reprochons que d’ignorer la nature humaine et l’histoire, eux, pour mieux enseigner leur chimère, et pour s’assurer une perpétuelle matière à leurs déclamations sentimentales, ils commencent par imaginer, ou par inventer, ce que l’un d’entre eux appelait naguère le « militaire professionnel, » une bête féroce, altérée, par nature, du sang des autres hommes, prête à tous les excès pour satisfaire ses appétits brutaux, et dont le grand crime, dans le passé, serait précisément d’avoir attaché les idées de grandeur et de gloire, de courage et d’héroïsme, de sacrifice et de vertu, de maîtrise et d’empire de soi-même, de générosité, de dévouement, d’abnégation, de mépris de la douleur et de la vie à ce qui ne serait en somme, de son vrai nom, qu’instinct animal de pillage et de meurtre. On a beau jeu de démontrer là-dessus que ce genre de « professionnel » n’est qu’une espèce de fauve ; et rien n’est plus facile ni plus avantageux, dans les réunions solennelles ou dans les banquets pacifistes, que d’ameuter contre lui le sentiment populaire. Car, on a tout de suite pour soi, d’abord tous ceux qui ont gardé de la caserne ou du régiment un mauvais souvenir ; on a tous ceux qui ne se soucient pas, le cas échéant, de « défendre la patrie » aux