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sa bienveillance, la douceur de son commerce, et qu’il était très bien vu à la cour de Pékin. Ne pourrait-on se servir de son crédit auprès de l’empereur de la Chine pour arriver au but ? Si l’on réussissait, quelle aubaine ! C’était le commerce terrestre de la Chine avec l’Occident aux mains des Anglais et, pour la Compagnie des Indes, une source d’incalculables revenus.

Ces vues furent exposées le 14 mai 1774 par Warren Hastings au conseil de la Compagnie à Calcutta, qui en comprit de suite la haute portée. Sans hésiter, on accéda aux désirs exprimés dans la lettre du Taschi-lama. On résolut d’accorder la paix aux Boutaniens ; on leur restitua le territoire conquis, on ne leur imposa aucune condition. En même temps on décida l’envoi au Thibet d’un officier anglais sous le prétexte très plausible de complimenter le Taschi-lama, au sujet des avances qu’il venait de faire au gouvernement britannique et de lui faire connaître que satisfaction complète avait été donnée à sa demande. Conformément à cette décision, M. Bogle fut chargé d’aller porter au Taschi-lama, dans sa résidence de Taschi-lumbo, une réponse à sa lettre avec des présens dignes de lui. De plus, il emportait avec lui une très grande quantité de marchandises, qui, pour la plupart, sortaient des manufactures anglaises, afin de voir quels seraient les objets qui conviendraient aux Thibétains. Il avait en outre pour mission de s’assurer quelle était la nature des productions du Thibet, quels articles de commerce on pouvait tirer de ce pays et des contrées adjacentes, quels moyens il fallait employer pour y former des relations et quels obstacles on aurait à surmonter pour y parvenir.

Arrivé à Taschi-lumbo, M. Bogle put y séjourner plus de six mois et sut gagner la confiance et l’amitié du Taschi-lama à un point tel que ce dernier voulut se faire élever un temple sur les bords du Gange et envoya dans cette intention une somme considérable au Gouverneur général de l’Inde avec une lettre curieuse, dans laquelle il lui disait qu’une des raisons qui lui faisaient désirer d’avoir un temple près de Calcutta, c’était qu’étant né plusieurs fois à la vie dans le cours des âges, il avait revêtu une forme mortelle en différens pays, mais que le Bengale était la seule contrée où il se fût réincarné deux fois, qu’en conséquence il aimait ce pays plus qu’aucun autre et y voulait avoir sa résidence. Quelques années après, une autre circonstance vint encore resserrer les liens qui unissaient le Taschi-lama et le gou-