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presque tous les habitans appartiennent, par le fond de la langue et surtout par les traits mongols de la physionomie, à la grande famille mongolo-thibétaine. Ces populations professent aussi en très grande majorité le même culte : le bouddhisme, et reconnaissent la suprématie religieuse du chef de cette religion résidant à Lhassa. Seuls, les Sikhs sont brahmanes ou musulmans. La Birmanie, le Boutan, le Sikkim sont tout entiers bouddhistes ; les deux tiers des indigènes du Népal le sont également. Même le Boutan était, à l’époque de sir John Shore, une dépendance politique du Thibet. On pouvait espérer que, grâce à ces affinités de race, de langue et de religion qu’on saurait utiliser, des relations de nature diverse pourraient être établies entre le Thibet et l’Inde, et que la pénétration pacifique de l’influence anglaise pourrait être effectuée dans ce dernier pays.

Quoi qu’il en soit de la valeur de ces raisons, il est certain qu’elles dictèrent la conduite des successeurs de Warren Hastings. La politique thibétaine fut abandonnée, et la Compagnie des Indes ne s’occupa plus désormais que de faire entrer dans sa sphère d’action les États indigènes limitrophes du Thibet et de l’Inde. Absorber ces États par une annexion directe ou se les rattacher suivant le cas par des alliances et des traités spéciaux, reporter les frontières des possessions britanniques au pied de l’Himalaya, se rendre maître des routes qui vont de l’un à l’autre pays, puis, ces résultats acquis, explorer et reconnaître le plateau thibétain et tirer parti de ses ressources au mieux des intérêts et de l’influence britanniques, tels furent les principes directeurs de la nouvelle politique à laquelle le gouvernement de Calcutta n’a pas dérogé depuis.

La Compagnie des Indes ne perdit pas de temps pour mettre à exécution le programme qu’elle avait conçu. Le roi de Népal, chassé par ses sujets, s’était réfugié à Bénarès en 1800. Aussitôt les Anglais profitèrent de l’occasion pour conclure un traité par lequel le capitaine Knox fut envoyé comme ministre résident à Khatmandou, la capitale du Népal. Quelques années après, les Anglais entamèrent des négociations avec les Sikhs qui formaient un des États les plus puissans du nord-ouest de l’Inde et prédominaient dans le Pendjab. Ceux-ci avaient alors à leur tête un homme de haute intelligence, Rundjet-Singh « le lion du Pendjab, » lequel, petit prince fugitif, dépossédé de ses minces États à la fin du XVIIe siècle, était devenu chef de la