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Le premier serait de soumettre hardiment la question à l’examen de l’opinion publique ; par exemple, si moi ou un autre membre du gouvernement, ou même le Roi, nous déclarions officiellement ou dans un discours de circonstance, ou dans un document à publier, ou dans une adresse aux électeurs, ou enfin devant le Parlement, quelles sont les dispositions du gouvernement quant au différend ecclésiastique. Le second moyen serait d’envoyer un agent secret dont la présence à Rome fût ignorée de qui nous est hostile, et par conséquent d’Antonelli, lequel agent apporterait tout entière la pensée du gouvernement et sa confiance tout entière, si bien qu’il réussît à engendrer la foi en la sincérité des propositions qu’il serait chargé de faire et de recevoir[1].


Dans le second cas, dans le cas où l’on recourrait à cet homme de confiance, conviendrait-il que ce fût le Père Pagani, général des Rosminiens ? « Ce religieux a longuement habité l’Angleterre, il pense librement (ou libéralement), et il est imbu de l’esprit de liberté pratique qui domine dans tout le mécanisme du gouvernement et de la société du Royaume Uni. » De plus, il peut aller et venir de Turin à Rome et de Rome à Turin, sans appeler l’attention. Mais Pantaleoni préféra sans doute que l’on n’employât, en dehors de lui, ni le Père Pagani, ni personne. Peut-être même la crainte que ses voies ne fussent traversées par d’autres l’animait-elle à se presser un peu. Le certain, c’est que, le 20 décembre, lorsque Cavour lui fit passer par son consul Teccio le télégramme suivant (en français) : « Dites à Pantaleoni de suspendre le mémorandum et de s’abstenir de toute démarche jusqu’à de nouvelles instructions ; la plus grande prudence est indispensable[2], » il était trop tard : le cardinal Santucci, depuis le 11 ou le 13, avait le mémorandum entre les mains. Mais voici bien une autre affaire. Dans l’intervalle, Cavour a eu beau répéter sur tous les tons : Sia reservatissimo con tutti. « Soyez très réservé avec tout le monde[3] ; » ce n’est pas encore l’heure de l’action directe, mais seulement des prospections et des travaux préparatoires, dans la presse, dans le public, dans les antichambres : « Je vous autorise à faire les dépenses nécessaires, que je vous ferai rembourser où et quand vous le direz[4]… »

  1. L’Idea italiana, Documenti VIII, Lettera del Cavour, 28 novembre 1860, replica alle proposte Pantaleoni, p. 166-167.
  2. Ibid., Documenti, X. Teccio trasmette un telegramma di Cavour, 20 décembre 1860.
  3. Ibid., Documenti, XI, Lettera di Cavour, 27 décembre 1860, p. 188.
  4. Ibid., Documenti, VIII, 28 novembre 1860, p. 167.