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font chorus, Pantaleoni et lui, sur le régime des concordats, qu’ils voient à travers les stipulations des concordats sardes et siciliens, et qu’ils accablent : « l’infausta ma dei Concordati,... quella pessima instituzione dei Concordati ; la voie malheureuse des concordats, cette détestable institution des concordats, » s’écrie Pantaleoni, « ces chaînes qui nous enlèvent à nous-mêmes la liberté des réformes, et enlèvent à l’Église la liberté de s’organiser et d’agir à sa guise ; ce misérable bagage de réserves juridictionnelles incompatibles avec un vrai régime de liberté, qui sont une contradiction et une honte pour nous autres vrais amis de la liberté, pour nous qui voulons notre liberté entière et par conséquent devons la laisser entière aux croyances, en proclamant hardiment la liberté de l’Église dans l’État libre. » Et il prie, il conjure, il crie vers Cavour, qui répond froidement :


Il est à prévoir que les négociateurs pontificaux chercheront à attirer les négociateurs sardes sur le terrain des questions religieuses, et voudront changer l’accord proposé de manière à en faire un de ces concordats vieillis, où, bien loin de stipuler l’indépendance réciproque de l’État et de l’Église, l’Église et l’État usurpent réciproquement l’un le domaine de l’autre. Les négociateurs pour Sa Majesté auront donc présent que, quelle que soit la méthode suivie pour ouvrir et conduire les négociations, le résultat auquel ils doivent tendre est indivisible, et que le gouvernement du Roi ne fera jamais aucune concession à l’Église sur le terrain spirituel, si elle ne renonce pas absolument à tout domaine temporel. Il ne s’agit pas en effet de composer quelques dissidences existantes dans les rapports actuels de l’Église et de l’État, mais de changer tout à fait la base même de ces rapports et de substituer à l’antagonisme et à la lutte, qui depuis trois ou quatre siècles existent entre la société civile et la société religieuse, un système harmonique d’indépendance réciproque et de mutuelle liberté[1].


C’est entendu : point de concordat ; mais ce que Cavour et Pantaleoni détestent dans les concordats, n’est-ce pas l’immixtion, l’invasion, d’un domaine par l’autre ; ne sont-ce pas les empiétemens réciproques, et funestes aux deux parties, du temporel sur le spirituel et du spirituel sur le temporel ; non pas les concordats en eux-mêmes, les Concordats en tant que traités entre l’Église et l’État ? La preuve en est que Cavour, au nom de l’État italien naissant, traite ou essaye de traiter avec l’Église, par l’intermédiaire de Pantaleoni ; si leurs propositions sont agréées, si l’on signe, ce ne sera pas, puisqu’ils ne veulent pas que c’en soit

  1. Nicomede Bianchi, Storia documentata della diplomazia europea in Italia, t. VIII, p. 426. -