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l’affection dont ces braves gens me donnèrent plus tard tant de preuves.

Après avoir évité devant Brest l’escadre de l’amiral Cornwallis, que nous aurions pu combattre avec avantage, nous rencontrâmes à hauteur du cap Finistère une autre escadre anglaise de 15 vaisseaux dont 4 à trois ponts, commandée par l’amiral Calder. Le 22 juillet, par un temps de brume, nous tombâmes sur cette escadre à environ 20 lieues du Ferrol. Les deux amiraux ne semblaient pas plus pressés l’un que l’autre d’en venir aux mains, mais il fallut bien combattre, d’ailleurs sans résultat décisif. La brume persistante gêna beaucoup les opérations. J’étais sur le gaillard d’avant, mon poste de combat, et je transmettais au commandant les indications qui pouvaient lui servir à diriger la manœuvre. Nous soutînmes de notre feu le plus longtemps possible deux vaisseaux espagnols, le Firme et le San Rafaël, qui, ayant été démâtés, dérivèrent dans l’escadre anglaise et furent pris. Notre mât de misaine menaçait de tomber, et nous dûmes quitter le champ de bataille pour éviter le même sort. L’amiral Villeneuve ne tenta rien pour venir au secours des vaisseaux compromis, et ce combat incertain, connu sous le nom de combat du cap Finistère, tourna à notre confusion, puisque, malgré notre énorme supériorité numérique, nous ne causâmes aucun dommage aux Anglais. Au milieu de l’action, notre brave commandant M. de Péronne fut emporté par un boulet sur son banc de quart. Ce fut une grande perte pour nous tous et pour moi en particulier.

L’amiral Calder n’essaya pas de profiter de la timidité de son adversaire, et nous pûmes entrer le 27 juillet dans la baie de Vigo. On y débarqua les malades, puis l’amiral Villeneuve appareilla le 30 avec 15 vaisseaux dont deux espagnols, prenant enfin le parti, auquel il aurait dû depuis longtemps se résoudre, de laisser derrière lui trois vaisseaux espagnols incapables par leur mauvaise marche de prendre part à nos opérations.

A mesure que le dénouement approchait, les anxiétés de l’amiral semblaient s’accroître, et l’état moral des équipages en souffrait. Comprenant mal la grandeur de son rôle, ou plutôt écrasé par l’importance d’une mission qu’il ne se sentait pas à hauteur de remplir, il vivait dans des incertitudes perpétuelles, oscillant entre divers partis également raisonnables, et finissant le plus souvent par en prendre un autre qui ne l’était pas. Pour