Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 28.djvu/526

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

jonques, comme autrefois, mais avec les puissantes machines de guerre des « Blancs, » des Européens. Seulement, de ces machines de guerre, aussi compliquées que puissantes, les Japonais avaient déjà surpris tous les secrets, restés à peu près impénétrables à leurs adversaires et le résultat de la rencontre, ne pouvait être douteux. Les observateurs notèrent toutefois l’instinct militaire des Japonais, leur esprit d’offensive, la souplesse de leurs mouvemens, la liberté de leur tactique et l’emploi de la méthode de l’enveloppement. Le canon, du reste, avait décidé de tout, donnant la victoire à qui tirait le mieux, tout en tirant le plus. Pourtant deux gros cuirassés chinois montrèrent une singulière force de résistance : brûlés, ruinés, déchirés dans leurs œuvres mortes, mais la flottaison indemne, grâce à leurs épais blindages, ils défièrent jusqu’à la nuit, qui les sauva, tous les efforts d’un adversaire très éprouvé lui-même et manquant de munitions.

A Santiago et à Cavite, encore, la partie était trop inégale pour qu’on pût retirer d’indiscutables leçons tactiques d’engagemens où l’un des adversaires avait tout pour lui, nombre, armement, vitesse, mobilité, et l’autre rien, ou peu s’en faut. Tout au plus remarquait-on l’effet immédiat, foudroyant, d’une artillerie puissante et bien servie : la gravité des avaries du matériel et des pertes de personnel ne permettait pas au plus faible de reprendre l’ascendant perdu au début du combat.

La guerre actuelle, enfin, mettait aux prises des adversaires que l’on estimait, encore que bien différens à tous égards, à peu près égaux en forces ; et, si l’avantage stratégique restait sans conteste aux Japonais, qui se battaient chez eux, au centre de leurs ressources, il ne semblait pas impossible que, dans une rencontre tactique où les deux flottes se balanceraient, la victoire hésitât longtemps à se prononcer. Les rencontres auxquelles avait donné lieu le siège de Port-Arthur n’étaient pas pour démentir absolument cette opinion. On ne pouvait voir dans la première qu’un coup de surprise, et de surprise peu loyale, osons le dire, où la torpille automobile n’avait fait preuve d’efficacité que sur des coques que rien ne protégeait ; les vaines canonnades qui suivirent ne montraient que la prudence des deux chefs, et les tentatives « d’embouteillage » que l’audace des marins japonais ; la catastrophe du Petropavlovsk, où s’ensevelit le malheureux amiral Makarof, n’était après tout qu’un accident, qui attirait, à