Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 28.djvu/544

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

autres et point toujours sans s’égarer, comme il semble que l’ait fait la division Nebogatof. Point d’entrain, encore moins d’enthousiasme ; point de hâte d’accourir au point faible, soit qu’on ne le discerne pas, soit qu’on ait l’habitude d’attendre les ordres pour agir. Avec cela, tous les déboires de la mauvaise fortune, — car s’il est vrai que Dieu soit avec les gros bataillons, il l’est plus sûrement que le hasard se range toujours, avec son cortège de chances heureuses, du côté du plus habile, du mieux organisé : la brume qui paralyse les bonnes volontés et couvre les défaillances, la houle qui trouble des pointeurs encore novices, le commandant en chef blessé dès le début de l’action, son meilleur lieutenant tué en même temps, un autre séparé de lui, on ne sait trop comment, et ne reparaissant qu’à la fin de la journée, le troisième, envoyé trop tard dans la brume pour tâcher d’en percer l’inquiétant rideau, qui combat sans doute, mais s’arrête un peu tôt, se dégage du désastre et file bien loin au Sud pour donner de l’affaire, à laquelle il semble avoir assisté en spectateur autant qu’en acteur, un récit succinct, mais précis, très « objectif, » et en somme probablement juste. Enfin, pour couvrir le tout et honorer la défaite, de très beaux exemples de fermeté héroïque, de résistance poussée jusqu’au bout, qui font penser à la grande redoute de la Moskowa,… des gens qui savent qu’ils sont là pour mourir et dont le sacrifice est fait !…


VI

Voilà pour la tactique générale. Un mot maintenant de celle des différentes armes.

C’est le canon qui, une fois de plus à Tsoushima, a joué le rôle capital, cela ressort d’une manière évidente, de notre exposé des faits et d’ailleurs de tous les rapports, de toutes les relations, générales ou particulières. Les Japonais tirent parfaitement, en dépit du roulis : ils percent les flottaisons, frappent les tourelles, détruisent les blockhaus de commandement, ruinent les batteries hautes et les hunes armées, par des coups visés et voulus. Ils sont vainqueurs. Ils devaient l’être. Les Russes tirent mal, ou beaucoup moins bien que leurs adversaires et ne touchent guère que par rencontre. Ils sont battus, détruits. Au fond, tout est là. Supposons, au contraire, la supériorité de l’artillerie de leur côté : ni la parfaite préparation des Japonais,