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édition des Provinciales : elle ne se suffit pas entièrement à elle-même, et elle est établie sur un assez mauvais texte. L’auteur se proposait bien, à dire vrai, de revenir, dans un volume ultérieur, qui eût été consacré à l’Histoire de la vie et des œuvres de B. Pascal, sur certaines questions qui auraient pu aussi bien, et peut-être mieux, être traitées dans l’Introduction des Provinciales ; mais il y a pourtant certains éclaircissemens, certaines pièces justificatives que ses notes ou ses appendices auraient dû nous fournir, et que nous avons le regret de n’y pas trouver. De plus, au lieu de choisir, pour le publier, l’un des trois textes avoués par Pascal, — celui de l’édition originale in-quarto de 1656-1657, celui de l’édition in-douze de 1657, celui de l’édition in-octavo de 1659, — Faugère s’est avisé de reproduire le texte d’une copie manuscrite qu’il avait acquise et qui est manifestement défectueuse. En revanche, il nous a donné d’intéressans détails sur l’histoire bibliographique des Provinciales, et il a eu la bonne idée de rechercher et de publier les divers textes des casuistes visés ou cités par Pascal, nous permettant ainsi de contrôler nous-mêmes les pièces du procès toujours pendant entre Pascal et ses adversaires.

Dans l’intervalle de cette publication, un autre éditeur des Pensées, M. Molinier, revenait à Pascal et nous donnait une édition des Provinciales[1], qui, si elle n’est peut-être pas définitive, pourrait bien être la meilleure édition que nous ayons encore du célèbre pamphlet. Mieux inspiré que Faugère, il nous ramenait au texte, — assez difficile à reconstituer dans son intégrité, — de l’édition originale, le seul dont Pascal puisse revendiquer entièrement la responsabilité ; il y joignait des notes copieuses et précises, et une longue introduction que feront bien de consulter tous ceux qui voudront recueillir sur la question des Provinciales et de la casuistique un avis calme, motivé et vraiment désintéressé. Le « rationalisme » de M. Molinier, qui ne s’étale pas ici d’une façon aussi complaisante que dans la Préface de son édition des Pensées, nous le rend moins suspect que ne l’est tel autre éditeur des Provinciales, l’abbé Maynard par exemple. Se plaçant sur un terrain rigoureusement historique, M. Molinier a prouvé, faits et textes en mains, que ce ne sont pas les Jésuites qui ont inventé la casuistique, qu’elle est

  1. Les Provinciales de Blaise Pascal, avec une préface et des notes, par Auguste Molinier, 2 vol. in-8o. Paris, Lemerre, 1891.