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si l’on ne savait qu’un vingtième seulement des ventes et achats, représentés par ces 233 milliards, s’effectue au comptant. Presque tout le reste, spéculation « à terme, » consiste en simples engagemens qui se « liquident, » se résolvent en opérations inverses, au courant du mois ou de la quinzaine, ou se prorogent — se « reportent » — au mois suivant à l’aide d’un léger emprunt de capitaux.

La France monarchique possédait différens types, aujourd’hui disparus, de valeurs mobilières ; seulement elles ne se négociaient pas à la Bourse. La « cote » de 1789 se compose de quelques lignes : actions de la Caisse d’escompte, des Compagnies des Indes et des Eaux ; billets de deux loteries royales et titres de trois emprunts récens du Trésor ; c’était tout. En 1819, la nomenclature officielle ne s’était guère allongée : seules y figuraient la rente française, 5 pour 100, nouvelle ou consolidée, la Banque de France ; et des obligations de ponts à péage. Durant les trente années qui suivirent, malgré les créations viables du règne de Louis-Philippe, malgré l’agiotage aussi, où les financiers aigrefins de Balzac « se gavaient d’or » grâce à force compagnies rivales des « Bitumes du Maroc » de Jérôme Paturot, la cote de 1852 ne contenait encore que 126 valeurs. Leur nombre s’était élevé à 380 en 1869. Il est de 800 aujourd’hui, pour les effets admis à la négociation par le ministère des agens de change parisiens. Si l’on y joint les actions et obligations traitées uniquement « en coulisse, » et celles qui sont réservées aux bourses de province, on arrive aisément au total de 1 100 titres en vente sur le marché français.

La place qu’ils occupent dans la fortune privée n’a cessé de croître suivant une progression analogue : ils figuraient dans les successions de 1851 pour 86 millions de francs et, dans celles de 1870, pour 175 millions. Ils étaient montés à 827 millions en 1880, à 1 360 millions en 1890 et atteignaient, en 1900, deux milliards 81 millions.

Veut-on connaître le montant actuel, en capital, de la fortune mobilière française ? Il faut ajouter, aux 26 milliards de la rente nationale, les 58 milliards, auxquels correspond l’impôt de 4 pour 100 prélevé sur le revenu soumis au fisc, et 20 milliards environ de fonds d’État et titres étrangers possédés, en France, par nos concitoyens ; soit une somme de 104 milliards. Quelque invraisemblables qu’eussent paru à nos pères ces