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Sous la Restauration, tel emprunt espagnol était vendu avec 50 pour 100 de rabais sur le taux d’émission, aux courtiers parisiens, qui se chargeaient de le placer dans leur clientèle. Les fonds français, sans rapporter des commissions comparables à celles-là, rémunéraient très haut les services d’intermédiaires dont on n’osait se passer, après deux échecs de souscriptions publiques, en 1818 sous Corvetto, en 1825 sous Villèle. La conversion du 5 pour 100 en 4 et demi, tentée par ce dernier sans intervention des banques, n’avait réussi que pour 30 millions sur les 140 millions de rente existante et le Trésor dut recourir, pour se tirer d’embarras, aux receveurs généraux qui surent faire payer leur concours. Sous Louis-Philippe, le crédit public demeurait fragile, l’argent timide, et peu solides encore étaient les entreprises qui devaient réussir un jour. Il y eut ainsi, à cette époque, de grosses pertes sur les chemins de fer.

La seconde période va de 1850 à 1870 ; des personnages nouveaux surgissent, plus hardis, plus inventifs : après avoir développé ses théories dans la revue hebdomadaire des Débats, qu’il rédige de 1838 à 1846, Isaac Pereire les met en pratique avec des facultés supérieures. Ses créations multiples, son initiative souvent heureuse lui assurent, malgré des revers éclatans, une place parmi les constructeurs de la France moderne. Un premier emprunt d’Etat, directement offert au public, réussit en 1854 et Ton commence à appeler aux guichets les petites bourses, comme on avait appelé les petites gens au scrutin.

À ce moment tout est à créer, pour profiter des découvertes de la science ; tout se crée : chemins de fer et paquebots à vapeur, gaz et eau, aciéries et houillères, manufactures de toute sorte et villes rebâties à neuf. De ces hommes d’imagination et d’argent beaucoup furent des joueurs, comme Mirés, comme Pereire lui-même, qui succomba, moins sous le coup droit d’un adversaire, que pour avoir spéculé sur les titres de sa propre société ; écueil fatal où, plus tard encore, d’autres se briseront.

A côté d’eux, Rothschild, au contraire, valait surtout par sa prévoyance. Il ne happait pas tant les idées, il mûrissait davantage les projets et, une fois en route, apportait à l’exécution une invincible ténacité. Toutes ses affaires n’ont pas été fructueuses, toutes ont été bien gérées. S’il réussissait, il se gardait de distribuer en dividendes la totalité des gains ; il accumulait des réserves. S’il échouait, il attendait avec patience que