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les glorieux aïeux qui conquirent le monde… Scipion…, Metellus…, Marius… ! Il leur dirait volontiers comme le chef breton de Tacite : Ituri in aciem et majores et posteros cogitate. Allant à l’ennemi, songez à vos aïeux, songez à vos descendans ! Mais leurs majores, ce sont ces lamentables mères qui hurlent de douleur autour du château Saint-Ange : c’est en effet dans le vieux château que Tournon harangue ces héros, depuis qu’à la Chancellerie, il a failli être mis en pièces par de trop ardentes « femelles, » suivant son expression, et n’a pu regagner sa voiture qu’en embrassant les plus jolies et en bousculant les plus violentes. « Allons, criez : « Vive l’Empereur ! » Et de la voix lamentable qu’on suppose, ils crient : « Evviva l’Imperatore ! » Ces jeunes gens mourront presque tous entre Moscou et Vilna. Tournon, qui connaît ses classiques, doit en secret évoquer le souvenir des victimes de César : Cæsar, morituri te salutant !


Le brigandage se nourrit de la désertion. Dans tous les temps, il a été le mal endémique de ce pays fait de montagnes, de côtes et de déserts. Il prend alors des proportions inouïes.

Le brigandage se recrute à dix sources sous la loi impuissante de Miollis. Le royaume de Naples, rempli des débris des bandes de Fra Diavolo, déverse sur le pays romain les brigands traqués par le général Manhès au nom de Murat. La Sicile, elle-même remplie de bandits, est un réservoir : car, au lieu de les pendre, le bon roi Ferdinand de Bourbon et ses amis les Anglais les arment, leur adjoignent des galériens de Catane et Syracuse, quelques Anglais de sac et de corde, et, une belle nuit, font débarquer tous ces honnêtes gens sur la plage mal surveillée des États Romains, d’où ils gagnent les monts Volsques par les Marais Pontins. Ce ne sont que des renforts, le gros des bandits est indigène : meurtriers qui, à Rome, vivaient ininquiétés, et que le procureur général Le Gonidec poursuit impitoyablement, en Breton qui s’exagère la petite importance d’un bel échange de coups de couteau, d’une belle coltellata, dans le quartier des Monti ; galériens de Civita Vecchia qui, mal gardés pendant la période d’anarchie de 1808-1809, se sont échappés entre un surveillant pontifical parti et un surveillant français point encore arrivé ; conscrits réfractaires et déserteurs dont certains sont pourvus de bons fusils de l’Empereur, et, pour guider toutes ces recrues, agens de la police et de la gendarmerie pontificales, qui,