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de Rome et l’assainir, refaire des routes, dessécher les marais, faire rendre à ce sol négligé ce qu’il pouvait donner et à ces bras paresseux ce qu’ils devaient produire, fournir à l’agriculture de nouvelles méthodes, fonder une industrie, donner du jour aux quartiers sans lumière, créer des lits aux hôpitaux, offrir des asiles à la mendicité, insupportable et honteuse plaie au flanc de Rome, ouvrir à l’enseignement des horizons singulièrement étendus, encourager des arts languissans, la littérature romaine anémiée, élever de grandioses édifices et, surtout — car c’était là l’illustre tâche à laquelle les avait, avant toutes choses, conviés l’Empereur — dégager la Rome antique.

Dire qu’en moins de cinq ans, ces administrateurs, nouveaux venus, étrangers à la langue, aux mœurs, aux lieux, entravés sans cesse par d’inextricables difficultés politiques, ont réalisé une grande partie de cet ambitieux programme, n’est-ce point en faire l’éloge le plus éloquent ?

Il faut que le lecteur fasse ici crédit à l’historien. Ce n’est qu’en examinant les résultats de cette prodigieuse activité que nous pourrons un jour montrer sous une lumière singulièrement plus favorable le passage des Français à Rome : cultures nouvelles, coton, soude, et autres, instaurées dans l’ingrate campagne, expositions agricoles et industrielles instituées, chambres et tribunaux de commerce organisés, l’industrie du coton à grands frais installée, prisons assainies, cimetières créés, mesures d’hygiène et de sécurité, qui devaient survivre au régime, l’Académie des Beaux-Arts, les Académies des Lincei et des Arcadi arrachées à l’enfantillage des bavardages romains, les arts protégés dans toutes leurs manifestations, sous la dictature de Canova, devenu le véritable représentant de Napoléon en ce domaine, l’Observatoire enrichi, de nouveaux enseignemens fondés, le Tibre qu’on rendait navigable entre Pérouse et Rome, le port de Rome qu’on recreusait, les principales routes en partie réparées, les Marais Pontins pour un tiers desséchés au moment où il fallut s’arrêter et s’en aller !

De la colline du Pincio, couverte, en 1809, de vieilles maisons, le baron de Tournon avait fait ces Jardins de César dont les dernières allées étaient dessinées au moment où Pie Vil rentra à Rome. Et de toute part des chantiers de fouilles étaient installés, qui déjà, avec une dévorante activité, avaient mis au jour les débris du Forum Romain, le Forum de Trajan, la base du